Le Bloco de Esquerda (Bloc de Gauche) a obtenu le plus grand succès électoral de son histoire. Avec 10,73 % des voix et 3 eurodéputés - contre 4,9 % et un eurodéputé lors des précédentes élections européennes en 2004 - nos camarades sont devenus la troisième force politique du pays, derrière la droite du PPD/PSD (31,69 %) et, battu par cette dernière, le Parti socialiste au pouvoir (26,57 %). Arrivée en 4ème position, l'alliance du Parti communiste portugais et des Verts, a obtenu 10,66 %. L'abstention (63,5 %) était aussi importante que partout dans l'UE.
Selon tous les commentateurs, le grand vainqueur de ces élections est la gauche située à gauche du Parti socialiste, qui recueille au total plus de 21 % de voix, contre 14% en 2004 (cette hausse étant surtout le fait de la percée du Bloco ; le PC portugais, resté très stalinien, avance peu). "C'est une énorme défaite des politiques suivies par le Parti socialiste", a dit Miguel Portas, tête de liste du Bloco. Même le maire socialiste de Lisbonne, Antonio Costa, a dû reconnaître "l'importance de ce vote protestataire" et le fait qu'il a bénéficié surtout au Bloc de Gauche.
Dans son intervention pendant la nuit électorale, Francisco Louça, porte-parole et l'un des huit députés du Bloco au parlement portugais, a souligné que cet "extraordinnaire résultat était dû à la force de la résistance aux politiques anti-populaires du gouvernement socialiste de José Socrates", porté au pouvoir en 2005 avec une majorité absolue au parlement. Il a parlé de désastre économique, de la lutte contre le chômage galopant, contre la précarisation généralisée du travail. Il a souligné une grande augmentation du nombre de voix, ainsi que le fait que les listes du Bloco soient arrivées carrément en tête dans de nombreuses circonscriptions et bureaux de vote. "L'espoir est en train de renaître. Il faut une alternative, une réponse sociale dans les luttes. Nous défendrons un programme d'urgence répondant à la crise, contre la politique de catastrophe sociale." Autrement dit, les sociaux-libéraux ont ouvert la voie à la victoire de la droite, comme partout en Europe, mais au Portugal l'alternative sociale que construit la gauche anticapitaliste avance à grands pas.
Le Bloc de Gauche a été fondé en 1999 en tant que parti anticapitaliste, radical et pluraliste, comme effet de la convergence de trois courants de la gauche révolutionnaire qui dans le passé ont joué un rôle important, notamment dans la révolution de 1974. Il s'agissait de l'Union Démocratique Populaire (UDP) de tradition maoïste (la plus grande organisation de la gauche radicale en 1974), du groupe Politique XXI formé par des dissidents qui avaient quitté le parti communiste au début des années 1990, et du Parti Socialiste Révolutionnaire (PSR), section portugaise de la 4ème Internationale. D'autres courants l'ont rejoint par la suite.
Depuis, l'organisation ne cesse de s'élargir et de se renforcer. Le nombre d'adhérents est passé de 4.200 en 2006 à 7.000 actuellement (dans un pays de seulement 10 millions d'habitants !). Les résultats progressent aussi d'élection en élection : 2,7 % et trois députés aux législatives de 2002, 4,9 % et un eurodéputé (Miguel Portas) aux européennes de 2004, 6,38 % et huit députés aux législatives de 2005, 5,3 % pour Francisco Louça aux présidentielles de 2006 ; à quoi il faut ajouter 350 élus locaux.
L'action de ses élus permet au Bloco de populariser et démultiplier l'impact des luttes sociales auxquelles participent ses militants. Ce fut notamment le cas de la grande campagne pour la dépénalisation de l'avortement, qui a abouti au succès du référéndum en 2006, des campagnes contre la guerre, pour la levée du secret bancaire, etc. Les militants du Bloc de Gauche dirigent la commission ouvrière de l'usine Volkswagen, au sud de Lisbonne, une des plus importantes du pays, qui emploie plusieurs milliers de travailleurs. De même, une des actions très médiatisées pendant la campagne des européennes fut le soutien, apporté par Miguel Portas et Francisco Louça, aux travailleurs de l'usine de fibres de bois Platex à Tomar, qui occupaient l'entreprise pour protester contre des licenciements et le non-paiement des salaires. Les deux dirigeants ont publiquement défié le premier ministre socialiste et le candidat tête de liste du PS, lesquels tentaient de minimiser l'ampleur de la catastrophe sociale que subissaient les salariés de cette usine.
Le Bloc de Gauche fut l'un des initiateurs, au début des années 2000, de la Gauche anticapitaliste européenne (GACE), entre autres avec l'ex-LCR française, le SSP écossais et l'Alliance Rouge-Verte danoise. Il est co-signataire de la déclaration de la conférence des partis de la gauche anticapitaliste européenne, tenue à Strasbourg en avril dernier, tout en étant adhérent du Parti de la gauche européenne.
Roman Debski