La campagne du NPA pour les élections européennes sera évidemment une campagne internationaliste, une campagne cherchant à construire des passerelles avec les mouvements et partis qui, dans tous les pays de l’Union européenne, combattent les effets sociaux de la crise du capitalisme. Mais elle portera aussi un message pour tous ceux qui, au-delà de ces frontières de l’Union, luttent contre la politique néocoloniale et impérialiste de l’UE.
Durant le processus de création du NPA en 2008 s’étaient tenu, alors à l’initiative de la LCR, deux rencontres européennes ayant rassemblé à Paris des organisations anticapitalistes d’une quinzaine de pays. Ces réunions avaient été l’occasion de présenter le projet d’une activité commune pour les élections européennes. Cet objectif a également été discuté au moment du congrès du NPA, auquel ont participé plus de 100 invités internationaux. Enfin, la mobilisation de Strasbourg contre l’OTAN, début avril, a été l’occasion de tenir une nouvelle conférence européenne, au cours de laquelle a été mise au point une déclaration fixant les grands traits de convergence pour une campagne anticapitaliste commune lors de ces élections [voir page 20].
L’élargissement de l’Union européenne à vingt-sept a été un accélérateur du processus de libéralisation à l’échelle de l’Union. Malgré les rejets populaires de ces politiques à travers les votes français, néerlandais et irlandais, patronats et gouvernements ont continué leur chemin de démantèlement des droits sociaux, de mise en concurrence des salariés pour la recherche de la profitabilité maximale. L’irruption de la crise capitaliste depuis septembre 2008 n’a fait qu’accentuer ces traits.
Ces derniers mois, les grèves générales en Grèce, en France, au Portugal et en Italie ont manifesté une large volonté populaire de résister à ce déferlement de licenciements, de fermetures d’entreprises, de s’insurger aussi contre la mise à disposition des banques et des grandes entreprises européennes de centaines de milliards d’euros visant, au bout du compte, à maintenir leurs taux de profit, alors que des centaines de milliers de travailleurs supplémentaires ont été jetés sans ménagement dans le chômage et la précarité. Dans le même temps, on a assisté à la soumission générale des partis sociaux-démocrates à ces plans de soutien à un capitalisme vacillant. C’est évidemment le cas en Allemagne, en Grande-Bretagne, dans l’Etat espagnol et au Portugal, pays où la social-démocratie est au gouvernement, mais les prises de position des autres partis sociaux-démocrates vont dans le même sens.
Cette situation rend plus que jamais nécessaire la construction, l’action commune d’une gauche anticapitaliste européenne qui présente une claire alternative conforme aux intérêts des travailleurs, des classes populaires des pays de l’Union européenne. Dans beaucoup de pays et à l’échelle européenne, un débat traverse les forces à gauche de la social-démocratie. Une partie d’entre elles, notamment autour du PCF, de Rifundazione Comunista (Italie) et de dirigeants de Die Linke (Allemagne) et Synaspismos (Grèce), reste fidèle à un schéma d’unité de la gauche issue des partis communistes avec la social-démocratie, dans un cadre institutionnel d’alternance électorale.
C’est ce courant qui domine le Parti de la gauche européenne (PGE), créé à l’initiative de Rifundazione et animé aujourd’hui par Die Linke. Sa position a été vivement contestée après l’échec retentissant de la gauche italienne, la gestion libérale de Prodi entraînant dans son naufrage la représentation parlementaire de Rifundazione. Cet échec a en effet mis en évidence l’impasse des politiques de soutien à des gouvernements sociaux-démocrates de gestion du capitalisme. C’est devant le même choix que vont se retrouver Synaspismos et Die Linke lors des prochaine élections générales dans leurs pays. Ce sont les mêmes questions qui viennent de traverser les partis situés à la gauche du PS en France, notamment dans le débat entre le NPA et le Front de gauche. Le NPA estime que les anticapitalistes ne peuvent pas construire une alternative politique avec des partis qui participent à des coalitions social-libérales.
C’est donc bien pour tracer une alternative européenne à cette politique que la rencontre de Strasbourg a été pertinente. Cette conférence a montré l’existence d’une approche commune, entre les organisations participantes, pour s’en prendre au noyau dur du capitalisme, imposer une redistribution des richesses au profit du plus grand nombre et remettre en cause la propriété capitaliste.
Gauche anticapitaliste européenne : La déclaration commune de Strasbourg (extraits)
Une fois de plus, la classe dominante veut faire payer les travailleurs et les peuples pour la crise. Les gouvernements ont donné des centaines de milliards aux banques mais en même temps des millions de licenciements tombent pour les salariés. Le chômage crève les plafonds. Le pouvoir d’achat des salaires s’effondre. La destruction des services publics continue. Ce n’est pas aux peuples et aux travailleurs de payer la crise, c’est aux capitalistes ! La politique des institutions de l’Union européenne a été désavouée par les « non » français, néerlandais et irlandais. Nous rejetons les plans des gouvernements de l’UE qui sauvent les banques et pas les peuples.
Nous mettons en avant un plan d’urgence sociale et démocratique :
• Non aux licenciements ! Un emploi stable et sûr avec un salaire convenable pour tous.
• Augmentation des salaires et des revenus dans chaque pays pour les salariés, les chômeurs et les retraités.
• Harmonisation par le haut des droits sociaux en Europe : salaires minimums, réduction du temps de travail sans perte de salaire, garantie des systèmes de sécurité sociale pour la santé et les retraites (…)
• Non au paiement des pertes des banques en faillite, pour la création d’un système public unifié financier et bancaire sous contrôle public et populaire. Pour la fermeture de tous les paradis fiscaux. Les pays européens doivent donner l’exemple en commençant par fermer les paradis fiscaux de leurs propres territoires qui sont responsables des deux tiers des échanges off-shore.
• Pour l’annulation de la dette du Tiers Monde.
• Pour la défense des sans-papiers et l’égalité des droits pour tous les résidents en Europe, qu’ils soient ou non d’une nationalité de l’Union européenne.
• Pour la régularisation de tous les sans-papiers.
• Pour les droits des femmes, le droit à la contraception et à l’avortement libres et gratuits.
• Pour les droits LGBT et l’égalité des droits pour les couples hétérosexuels ou homosexuels.
• Pour l’abrogation des lois antiterroristes et des procédures d’exception.
• Pour une Europe écologique, pour combattre réellement le changement climatique, nous avons besoin d’un service public de production et de distribution de l’énergie sous contrôle des salariés et des usagers, et nous devons développer des services publics de transport et de logement (…)
Dans ces circonstances et compte tenu des particularités de chaque pays, nous décidons de construire des convergences face aux attaques des gouvernements et du patronat et en même temps de créer les conditions d’une alternative politique et d’un pôle anticapitaliste fondé sur les mobilisations populaires, qui se batte pour une Europe des droits sociaux et refuse toute participation et tout soutien à des gouvernements sociaux-libéraux avec des partis sociaux-démocrates ou de centre-gauche.
En effet, ce qui est nécessaire est de rompre avec le capitalisme et sa logique.
En ce sens, la gauche anticapitaliste européenne situe ces objectifs dans la perspective d’un socialisme du 21e siècle et s’engage à rouvrir le débat sur la question d’une nouvelle distribution des richesses, de la propriété et de la démocratie.
Sur ces bases, et dans le cadre des choix de chaque organisation, les signataires de cet appel interviendront durant les prochaines semaines dans la campagne pour les élections au Parlement européen (…)
Organisations signataires : Bloco de Esquerda (Portugal), Izquierda Anticapitalista (Etat espagnol), Sinistra critica (Italie), Antartsia et Dea, Keda, Koe, Kokkino, Roza et Xekinima de Syriza (Grèce), Polska Partia Pracy (Pologne), Internationale Sozialistische Linke et Revolutionär Sozialistischer Bund (Allemagne), Gauche anticapitaliste et Mouvement pour le socialisme (Suisse), Ligue communiste révolutionnaire (Belgique), Socialist Workers Party (Grande-Bretagne), Socialistiska Partiet (Suède), Scottish Socialist Party (Ecosse), Nouveau parti anticapitaliste (France).