Publié le Samedi 12 avril 2025 à 17h00.

« Ce n’était pas légitime de nous dégager comme ça, sans une solution d’hébergement digne et pérenne »

Entretien. Les jeunes mineurEs isoléEs du Parc de Belleville sont organisés en collectif. Indépendants, autonomes, ils peinent à faire reconnaître leur minorité, à se loger et à aller à l’école face à un État raciste et à la politique anti-immigration démesurée. Mi-mars, iels ont été expulséEs de la Gaîté Lyrique qu’iels occupaient depuis décembre 2024. L’Anticapitaliste a rencontré Mamadou, membre du collectif, pour parler perspective.

Qu’est-ce que le collectif des jeunes de Belleville ?

Le collectif des jeunes de Belleville, c’est un collectif qui lutte pour les droits et l’égalité, les droits des mineurEs qui n’ont pas été reconnus ici à Paris, comme le droit d’être logés. On veut créer un centre ­d’hébergement à Paris. 

Vous avez occupé la Gaîté Lyrique pendant trois mois parce que vous êtes à la rue, et on vous a expulsés de manière extrêmement violente…

Oui, on a occupé la Gaîté pendant trois mois. C’était légitime. Même la ville de Paris l’a dit. Mais elle a été complice de l’État. La police est venue nous expulser violemment. Ce n’est pas ça qu’on méritait. Nous, on a juste demandé un toit, le droit d’aller à l’école et l’accès à la santé. 

Voilà ce qu’on avait demandé à la ville de Paris. Mais elle a été complice. Elle a expulsé, violemment. 

Et on ne vous a pas proposé de solution de relogement…

Ils sont venus avec la proposition d’aller à Rouen. Donc, si on partait, c’était juste pour une semaine. Et ils voulaient nous inciter à demander l’asile. L’asile, c’est pour les grands, pas pour nous, les mineurEs. Et nous, on suit nos procédures ici à Paris. Certains sont malades. On suit leurs procédures médicales ici, et les procédures administratives ici à Paris. On ne peut pas quitter ici, on ne pourra plus aller à l’école. 

Est-ce que cette expulsion vous semble exprimer la manière dont l’État et les institutions traitent les mineurEs isoléEs ? 

Oui. Ils n’ont pas fait la preuve de ce qu’ils prétendre être. Paris, c’est une ville d’accueil. Avec nous, c’est le contraire ! Ce n’était pas légitime de nous dégager comme ça, sans une solution d’hébergement digne et pérenne. Et on avait le droit d’être à l’abri parce qu’on avait déposé notre papier de recours ici à Paris. 

Vous êtes un collectif autonome et qui porte des revendications sociales, comme le logement, l’éducation, la lutte contre les discriminations. Qu’est-ce que vous répondez à celles et ceux qui pensent que les jeuneEs, et les mineurEs en particulier, n’ont pas de conscience politique ? 

C’est parce qu’ils ne viennent pas à nos mobilisations, à nos AG et à nos rassemblements. Ils ne prennent pas d’informations. C’est pour ça qu’ils pensent ainsi.

Vous pratiquez l’autogestion, le soutien mutuel et la solidarité concrète dans votre collectif. Est-ce que tu penses que c’est déjà une forme de révolution ? 

Oui. Parce que la mairie ne fait pas son travail. Nous, on va lui montrer comment faire son ­travail. En faisant nos actions. 

Comment vous organisez-vous après l’expulsion ? 

C’est dur, parce qu’il y a la pression des violences policières : dégager les tentes, faire les sacs… Les policiers le font sans humanité. Parce que, selon moi, quelqu’un qui est là, qui demande juste un toit, et l’État qui est là, qui ne comprend pas l’urgence, c’est grave. Le but de notre combat, c’est de créer des centres d’hébergement, pour qu’il n’y ait pas de mineurEs isoléEs dehors. Notre force, c’est juste de se mobiliser. C’est l’État qui a la force de faire en sorte qu’il y ait des hébergements. 

Quels sont les leviers aujourd’hui pour continuer à construire des contre-pouvoirs depuis la rue ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? 

C’est se mobiliser comme on l’a fait depuis le début, continuer encore à manifester et soutenir nos rassemblements. 

Qui vous soutient aujourd’hui ? Et qu’attendez-vous d’elles et eux ? 

Nos soutiens sont là, souvent depuis le début : des éluEs et des syndicats, différents collectifs et associations, les antifa. 

On a confiance en nos soutiens. On attend d’eux qu’ils mobilisent et communiquent, parce que c’est ça la base.

Comment peut-on vous aider ? 

Il faut se mobiliser et créer un centre d’accueil, parce que c’est ça qu’on a demandé. On a une cagnotte, c’est vrai. Mais si avec la cagnotte on n’arrive pas à gérer, et que la mobilisation n’arrive pas à rallier plus de monde, la cagnotte ne servira à rien. 

Propos recueillis par Amel

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