Les drames de Toulouse et Montauban ont remis sur le devant de la scène les thématiques de l’insécurité, du terrorisme donnant lieu à une surenchère raciste entre Sarkozy et Le Pen. Le PS est tétanisé par la peur de voir ressortir l’accusation d’angélisme de la gauche et le Front de Gauche qui se déclare laïc ne manque pas de contradictions. Plus que jamais, il est nécessaire d’affirmer notre antiracisme.
à l’heure de la rédaction de cet article, les conséquences des tueries de Montauban et Toulouse ne sont pas encore mesurables en profondeur. Mais ce drame aura permis de jouer la partition de l’union nationale, reprise en chœur par les principaux candidats (prélude à celle autour de l’austérité), à l’exception de Mélenchon. Refusant, à raison, la bouffonnerie de la suspension de campagne, il ne refuse pas pour autant l’union nationale et la louange des forces de l’ordre.
Ce drame aura aussi permis un retour du fast-food sécuritaire à la sauce « antiterroriste » porté par Sarkozy selon le schème connu : un drame, une loi. Tout comme la pédophilie, la consultation d’un site appelant au terrorisme serait punissable par la loi. Si un site peut être aisément caractérisé comme pédophile, on appréciera les discussions jésuitiques et les dérives que pourrait susciter l’appréciation de tel ou tel site à caractère politique. La séquestration d’un patron sera-t-elle considérée comme une pratique terroriste ?
Ce drame aura enfin permis à Marine le Pen, talonnée par Mélenchon dans les sondages, de lancer une attaque en deux temps. D’abord sur l’islamisme comme « fascisme vert du xxie siècle », contre lequel tous les musulmans devraient se lever… avec le FN ! C’est le temps de la formule fleurie et idéologique, du faux rassemblement qui impose aux musulmans de prouver qu’ils ne sont pas des barbus. Ensuite, sur les « Mohamed Merah en puissance chez les enfants des milliers d’immigrés non assimilés », c’est le temps de l’attaque directe, de l’amalgame et de la stigmatisation. Et dans ce domaine, elle n’est pas seule. Elle tente tout bonnement de rependre la main après les sorties nauséabondes de Guéant, les provocations de Sarkozy affirmant qu’il souhaitait diviser par deux l’immigration, les atermoiements de Hollande sur la question, incapable de prendre des positions à rebrousse-poil de celles de la droite.
Pour autant, la tentative des différents candidats de faire passer aux oubliettes l’urgence sociale en rallumant la peur de l’insécurité, n’est pas chose aisée. La question sociale s’impose par son urgence : le chômage est la principale préoccupation des Français, loin devant l’insécurité. Les campagnes de 2002 et 2007, particulièrement anxiogènes et policières, avaient été marquées par un refoulement presque total des questions socio-économiques dans cette mystérieuse et angoissante « insécurité ». A contrario, celle-ci voit « l’économie » dominer les débats, discours, mesures, éléments de langage, éditoriaux, articles et commentaires. En effet, la crise a imposé un fait, une certitude. Le danger réel à l’origine du mystérieux sentiment d’insécurité est désormais connu : une austérité jamais vue. L’insécurité est avant tout sociale. Impossible alors pour l’État et ses appareils de se limiter aux recettes (dé)passées.
La droite en recomposition
Les discours racistes et xénophobes ne sont pas de simples harangues. Sarkozy n’a pas fait que de l’affichage depuis 2002. Par des mesures, des lois et des circulaires, la situation s’est réellement durcie sur tous les fronts. Dans le même temps, la « décomplexion » organisée a des effets dévastateurs à moyen et long terme. Mais surtout, le sécuritaire-identitaire se donne aujourd’hui pour ce qu’il est : une pratique de division de la classe ouvrière. Concrètement, les problèmes socio-économiques sont mis en lien avec les « questions » de l’immigration, des valeurs, de République ou de la laïcité dans une « analyse » des problèmes, largement partagée et assénée. Sans éclipser le tout-puissant « coût du travail », le sécuritaire-identitaire explique et résout de plus en plus le socio-économique. L’accentuation, l’accélération et la banalisation des raccourcis est inquiétante.
D’un point de vue immédiatement politique et programmatique, cela revient à la reprise par la droite sarkoziste du discours de base du FN qui se garde de le tenir, pour l’instant, avec la grossièreté et la vulgarité passée. Cure de « respectabilité » oblige. Troublante campagne : l’extrême droite tente sa mue et axe son discours sur les questions sociales, bien qu’elles soient expliquées-résolues de manière nationaliste et chauvine. La droite sarkoziste, aux abois électoraux immédiats, mais en pleine manœuvre de moyen terme, se radicalise et ratisse sur les terres du FN, homogénéisant son discours avec celui de l’extrême droite. La Droite populaire travaille quant à elle à la recomposition à venir. Il faut certes à Sarkozy trouver les moyens, alors qu’il est honni, de tenter de se faire réélire. Marine Le Pen montait il y a quelques semaines dans les sondages ? Sarkozy tente à nouveau de siphonner ses voix comme en 2007 en chassant sur ses terres. Ironiquement, c’est la droite sarkoziste qui procède à des sorties et provocations, à la manière de Le Pen père, alors même que cette voie est considérée comme bouchée par Le Pen fille. Car ce sont bien les porte-flingues de Sarkozy qui labourent le terrain depuis cinq ans, à coup de dérapages tellement contrôlés qu’ils deviennent de pures et simples provocations frontales. Bref, la lepénisation des esprits est assumée et banalisée par de larges fractions de la droite. Un saut qualitatif est en train de s’opérer.
La gauche et ses contradictions
Aujourd’hui, le PS, en tant que parti, est suiviste sur les questions de racisme, pétrifié à l’idée que son « angélisme sécuritaire » lui fasse perdre des voix. Ce suivisme est souvent poussif et honteux (10 000 policiers de plus en 2012, union nationale pleurnicharde), parfois zélé et confusionniste (Manuel Valls), exceptionnellement conséquent (le transfuge Besson). Le résultat objectif et logique de ce suivisme est un silence assourdissant et un désarmement total face aux attaques de la droite et de l’extrême droite. Même sur ce plan, hier porteur, le PS ne représente plus grand chose comme force d’organisation et ne cherche même plus à faire de l’affichage. SOS Racisme est une structure riche d’argent, de relais associatifs et institutionnels, mais discréditée dans les quartiers et inaudible à une échelle de masse. Le PS est aussi complice que l’UMP des 30 ans d’empilage et de durcissement législatif sur les questions migratoires.
Le FdG, quant à lui, est l’héritier des contradictions d’une large fraction du mouvement ouvrier français sur la nation, la République et la laïcité. Elles n’ont pas été dépassées, pour d’évidentes raisons, par les partis réformistes et staliniens du xxe siècle. Elles sont aujourd’hui caricaturées par le profil et le pedigree politique de Mélenchon.
Pour un antiracisme conséquent
Face à la gravité de la crise, la droite extrême tente de se présenter comme une solution crédible. Si rien n’est joué, aujourd’hui, Hollande est donné gagnant. La droite imagine donc la suite. La bride lâchée par sa position d’opposante, laissant le gouvernement « Hollandréou » se suicider sur l’autel de l’austérité, elle pourrait se poser dès après les élections comme une solution de rechange au social-libéralisme, sans attendre 2017. Dans la période, des mouvements et troubles sociaux majeurs rendraient des législatives anticipées tout a fait possibles. D’ailleurs, Mélenchon s’inscrit dans cette stratégie de moyen terme : être l’alternative institutionnelle de gauche à la mort annoncée du social-libéralisme.
La campagne de Philippe Poutou et toute l’activité du NPA doivent donc incarner un antiracisme conséquent, en tant qu’il est inséparable de notre projet anticapitaliste. On ne combat pas le capitalisme sans combattre le racisme et inversement. Si l’on ne dépasse pas le capitalisme en appelant à son abolition, on ne combat pas plus le racisme en le dénonçant moralement ni même en l’analysant comme simple illusion et diversion aux problèmes de classe. Car d’illusion et de diversion, l’on n’aurait alors jamais connu d’aussi tangibles et mortelles... Pour les sans-papiers ou les habitants des quartiers populaires, le racisme est une réalité sociale car il est un rapport social qui s’intrique au rapport de classe. Il en est une forme phénoménale et non un masque.
Concrètement, le NPA se bat contre toutes les formes de discrimination, pour l’égalité de tous les droits sociaux et politiques des immigrés, français ou pas, en situation régulière ou pas. Pour nous, cette égalité n’est pas une étape, encore moins un combat platement démocratique ou progressiste, mais bien un pilier de notre combat pour l’unité de la classe. Elle est immédiatement appropriable par les victimes du racisme, tout en étant intolérable par le capitalisme pour qui la division des exploités est vitale. Nous devons soutenir et favoriser l’auto-organisation des victimes du racisme de telle sorte que leur combat rejoigne le nôtre, celui de l’émancipation du genre humain dans le socialisme.
Syl20