Film ukrainien, 2 h, sorti le 14 septembre 2022.
Le massacre de Babi Yar est le plus grand massacre perpétré en Ukraine dans le cadre de l’extermination des juifs. Du 29 au 30 septembre 1941, les troupes d’occupation allemandes secondées par des milices nationalistes ukrainiennes abattirent 33 771 juifs dans le ravin de Babi Yar, près de Kiev. Dans Babi Yar. Contexte, le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa reconstitue et raconte à partir d’archives filmées et avec un nombre minimum de textes d’information, non seulement ce meurtre de masse, mais aussi certains évènements qui l’ont précédé et suivi.
Des événements qui sortent peu à peu de l’ombre
Dans certaines localités, l’entrée des troupes nazies dans l’Ukraine alors soviétique, le 21 juin 1941, donne lieu de la part de la population à des violences anti-juives. À partir de juillet, l’élimination des juifs devient systématique. Les troupes allemandes sont entrées dans Kiev le 19 septembre. Le 28, un communiqué allemand ordonne à tous les juifs de se rassembler le lendemain en un point de la ville. Ils furent conduits au ravin de Babi Yar et méthodiquement exécutéEs. Au fur et à mesure, les corps ont été progressivement ensevelis dans cette immense fosse commune. Ils ont été exhumés par les Allemands à l’été 1943 et brûlés avant l’arrivée de l’Armée soviétique qui regagnait du terrain. Après la guerre, comme le montre le film, les Soviétiques ont comblé le ravin et modifié son environnement avec des routes, des immeubles.
La guerre terminée, le massacre ne sera d’abord pas évoqué par les Soviétiques. Il s’agit de ne pas mettre en question la vérité officielle sur la « Grande guerre patriotique » : tous les peuples de l’URSS ont également souffert du nazisme et y ont résisté. De ce point de vue, Babi Yar est gênant : des miliciens ukrainiens ont participé aux massacres et les juifs étaient spécifiquement visés. Dans un second temps, Babi Yar sortira un peu de l’oubli mais les monuments et commémorations officielles masqueront la judéité des personnes massacrées. Depuis l’indépendance de l’Ukraine, malgré la mauvaise volonté des milieux ultra-nationalistes, les évènements sortent peu à peu de l’ombre dans toutes leurs dimensions.
Loznitsa n’a pas cherché à accumuler les scènes d’horreur : il a expliqué qu’il a choisi de ne pas utiliser certaines images. Le but de son impressionnant documentaire est de rendre compte et rappeler. Le réalisateur, qui soutient fermement l’indépendance de l’Ukraine, a été en mars dernier exclu de l’Académie ukrainienne du cinéma…