La créativité du cinéma coréen ne se dément pas. Bong Joon Ho appartient à une génération de réalisateurs qui, depuis la libéralisation de la fin des années quatre-vingt, s’applique à développer une critique politique et sociale, non seulement de la société coréenne, mais universelle. Pour toucher un public plus large, cette nouvelle vague utilise souvent le film de genre, en respectant ses codes. Bong Joon Ho a ainsi tâté au film noir, Memory of murder, ou au film fantastique « de monstre », The Host, tandis que son confrère Im Sang-soo se livrait à une satire sociale féroce avec un film intimiste hitchcokien, The Housemaid. On pouvait redouter que Bong Joon Ho perde plus ou moins âme avec Snowpiercer, un blockbuster de 40 millions de dollars tourné en anglais avec des comédiens d’une demi-douzaine de nationalités. « Un budget moyen pour les États-Unis, mais le film le plus cher jamais tourné en Corée », précise-t-il. Non seulement, il ne s’est pas laissé corrompre par le succès et l’attrait d’une distribution internationale, mais il nous offre avec Snowpiercer l’une des paraboles sociales les plus radicales.
Ce train qui traverse des étendues glacées à la suite d’une catastrophe écologique, transporte les derniers rescapés de l’humanité. Il est à l’image de notre société. À l’avant, les classes dominantes qui contrôlent la machine voyagent dans un luxe insensé, tandis que les pauvres s’entassent à l’arrière dans des conditions effroyables. Pour dissuader ces derniers de venir déranger les privilégiés, une police réprime cruellement toute contestation. Et quand elle est débordée, on fait appel à des commandos encagoulés qui évoquent les milices fascistes. Malgré tous ces moyens de répression conjugués à d’habiles manipulations, les déshérités vont néanmoins s’organiser, se révolter et tenter d’éliminer Wilford, un milliardaire allumé qui fait figure de dictateur du train.
Le film est bourré de références, qui vont de la bouffe avariée du Cuirassé Potemkine à… Margaret Thatcher. Snowpiercer a déjà fait plus de 10 millions d’entrée en Corée et figure actuellement parmi les films de tête du box office français. Il était question de le couper voire de le censurer aux États-Unis, mais les protestations ont contraint les distributeurs à reculer. Ce succès réjouissant nous change des niaiseries commerciales qui occupent si souvent le haut de l’affiche. À ne pas manquer !
John Ledouble
Snowpiercer, le transperceneige de Bong Joon Ho avec Chris Evans et Song Kang-Ho. Sortie le mercredi 30 octobre.