Série canado-étatsunienne, sortie en France le 16 janvier 2023, HBO.
Un scientifique installé tranquillement dans un fauteuil débat et théorise, à la manière d’un prédicateur. Il annonce qu’une pandémie mondiale pourrait arriver. Alors que le capitalisme bat son plein, le climat, lui, se dérégule et les températures augmentent.
Provocateur mais maîtrisant son sujet, il l’affirme : avec les modifications climatiques, des parasites, notamment les champignons appelés Cordyceps, pourraient s’habituer au corps humain, en prendre le contrôle, et par la même occasion prendre la tête de la chaîne alimentaire… Il ne croyait pas si bien dire.
C’est ainsi que commence la série The Last of Us (Les derniers d’entre nous), créée par Neil Druckmann et Craig Mazin, dont la saison 1 est sortie sur HBO en ce début d’année 2023. Largement inspirée du jeu vidéo du même nom (qui a extrêmement bien marché), nous sommes ainsi transportés aux États-Unis, dans un monde où la plupart des humains ont disparu et où survivent quelques communautés et individus isolés.
Road trip
En immersion au moment où la pandémie débute, afin de planter le décor sur un des principaux personnages, le spectateur est très vite embarqué dans le monde d’après et voyage sur une terre post-apocalyptique avec Joel et Ellie, extrêmement bien incarnés par Pedro Pascal et Bella Ramsey. Chacun des deux personnages a vécu des moments très difficiles : l’un a perdu sa fille, tuée par l’armée au moment du chaos ; l’autre est orpheline, sa mère étant décédée le jour de sa naissance. Tous les deux se retrouvent face à un monde qui, d’une certaine façon, est fait pour eux. Du moins fait-il ressortir leur personnalité.
D’abord bloqués à Boston dans l’administration de la FEDRA, espèce de dictature militaire, vestige de l’ancien État, jugée fasciste par la jeune Ellie, les deux protagonistes vont se rencontrer. Joel est alors accompagné de Tess avec qui il vit. Ils cherchent tous les deux à rejoindre le Wyoming, où vit le frère de Joel qui ne donne plus de nouvelles. Pour cela ils ont besoin d’une batterie et font affaire avec un voyou. Celui-ci les dupe. En le recherchant, ils tombent sur les Lucioles, groupe de résistantEs, qui tiennent Ellie en captivité. Celle-ci est en effet précieuse : elle est immunisée contre le Cordyceps qui décime toute la population. Alors que la FEDRA les traque, les Lucioles doivent partir en urgence. C’est pourquoi Joel et Tess se voient confier la tâche suivante : emmener Ellie à Washington, auprès d’un groupe de Lucioles. En échange, ils auront une voiture…
C’est à partir d’ici que commence le long voyage des protagonistes. Après Washington, le Wyoming, Salt Lake City, les paysages magnifiques s’enchaînent. Les personnages particulièrement complexes aussi.
Face à un monde qui s’écroule, plusieurs formes politiques voient le jour. Le fascisme avec la militarisation et le contrôle à tout-va. Le survivalisme, parfaitement incarné par un couple replié dans une maison au sein d’un village fantôme. Le communisme, avec un village auto-géré, où chacun vit selon ses besoins et contribue selon ses moyens (où vit le frère de Joel). La résistance (les Lucioles), dont l’objectif est de sauver le monde en trouvant un remède, et en étant prête pour cela à utiliser tous les moyens. Cependant, de nombreux individus optent pour la solitude ou pour des petites bandes qui survivent en chassant ou en pillant. Ils croisent une secte, plus ou moins évangélique, qui décident pour continuer à vivre, de passer au cannibalisme…
L’humain au cœur : le « je » et le « nous »
Disons-le, cette série est vraiment réussie. Les acteurEs sont excellents, et la complexité des personnages nous oblige à sortir des schémas préconçus. La lenteur du début s’avère une force : on prend le temps de comprendre, de cerner les individus, les coups bas, les intentions, les émotions... Si la violence est toujours très présente au fil des épisodes, la tendresse est elle aussi au rendez-vous. Et de multiples questions politiques se posent alors : dans ce genre de situation où tout s’écroule et où le danger menace en permanence, que faire ? Restreindre les libertés pour se protéger ? Se mettre à l’écart pour survivre ? Construire une communauté à part ? Essayer de sauver tout le monde ? Mais aussi, des questions plus intimes : quelle place pour le sacrifice ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Peut-on décider de tuer les gens que l’on aime pour sauver le monde ? Peut-on tuer des dizaines de personnes pour se sauver soi-même ? Et l’amour dans tout ça : s’il est une preuve d’attachement à l’autre, il peut aussi pousser à des formes d’égoïsmes vis-à-vis de milliers d’autres personnes ?
The Last of Us pose toutes ces questions sans avoir la prétention d’y répondre. C’est une série qui met l’humain au cœur : l’humain au sens de sa globalité, c’est-à-dire l’humanité, et l’humain au sens de l’intimité. Un problème vieux comme le monde, puisque toute la complexité pour les révolutionnaires est justement de combiner le « je » et le « nous », pour parvenir à l’idée que le libre épanouissement de chacunE ne doit pas entraver le libre épanouissement des autres, mais au contraire le développer.