Folio policier, 464 pages, 8,90 euros.
L’attaque du Calcutta-Darjeeling est le premier tome d’une série écrite par un romancier britannique dont la famille est d’origine indienne, Abir Mukherjee.
Enquête dans une société coloniale
Le capitaine Wyndham est un policier. Il vient juste d’arriver à Calcutta. Il a combattu durant la Première Guerre mondiale et a perdu beaucoup d’illusions mais il lui en reste quelques-unes qui vont être confrontées à la réalité de l’Inde britannique. Le roman commence le 9 avril 1919. Le cadavre d’un dignitaire de l’administration britannique est découvert dans une rue malfamée de la ville. Ensuite se produit l’attaque du train Calcutta-Darjeeling.
Tout – la mise en scène du cadavre, les informations qu’on lui transmet, l’indic qu’on lui fait rencontrer – est fait pour persuader Wyndham que les deux affaires sont liées et ont été perpétrées par des nationalistes « terroristes ». Il va se lancer sur cette piste, aidé par un subordonné indien, le sergent Banerjee, mal à l’aise car il vient d’une famille indépendantiste et est confronté quotidiennement à un racisme plus ou moins ouvert.
Au fil des quelques jours de l’enquête, Wyndham découvre la réalité de la société coloniale. Sous les fastes d’un Empire qui prétend apporter la civilisation règnent racisme et corruption. L’Inde relève d’un ordre juridique spécifique qui légalise la répression tandis que le mépris vis-à-vis des « Noirs » gangrène tous les comportements. Les IndienEs, même riches ou diplômés et parfaitement anglophones, doivent rester « à leur place » et l’exclusion s’étend même aux Anglo-Indiens issus de couples mixtes : on refuse à Wyndham d’être servi dans un restaurant car il est accompagné d’une femme anglo-indienne. Le livre montre la manière dont cette société change les Britanniques qui débarquent en Inde et les transforme en racistes mesquins et persuadés de leur supériorité.
Wyndham va comprendre que le policier doit être avant tout un instrument de la stabilité d’une domination coloniale qui commence à être ébranlée. Ce n’est pas un hasard si l’auteur a choisi de faire démarrer l’intrigue le 9 avril 1919, quelques jours avant le massacre d’Amritsar dans le Pendjab. Le 13 avril, le général Dyer fait tirer sur une manifestation non violente. Le bilan est terrible : au moins 379 morts. C’est donc dans une atmosphère tendue que Wyndham achève son enquête qui révèle une réalité plus complexe que celle du complot terroriste que les hautes autorités souhaitaient monter en épingle. Mais ses résultats resteront dans les dossiers de la police.
Ne serait-ce que par sa description de la société coloniale, ce polar mérite d’être lu. Quant à l’intrigue policière avec ses rebondissements, elle est captivante.