ROMAN : I cursini d'Alix Deniger, Coll. Série noire, Gallimard, 2012, 292 pages, 16,90 euros
Un dix-septième assassinat par balles, un État dépassé qui dépêche deux ministres, des enquêtes qui s’embourbent, des liens troubles entre politique et grand banditisme : Marseille ? Non, mais ça y ressemble sacrément. Ça se passe en Corse, derrière les eaux bleues, les paillotes et les paysages de carte postale. Là-bas aussi, la violence a pris un tour débridé et incontrôlable, à tel point que l’on se perd en conjectures. Alix Deniger, ancien flic, a rédigé son premier roman avec l’ambition affichée d’éclairer, non l’actualité immédiate, mais les évolutions en cours dans l’île. Autant dire que le roman tombe à pic. Côté scénario, la structure est très classique, mais l’ensemble est rondement mené et le classicisme formel permet en fait de se concentrer sur les événements. L’auteur interroge en particulier les liens existant entre les structures politiques nationalistes, leurs organisations armées et les réseaux mafieux. Il dépeint un mouvement nationaliste en perte de vitesse, pris en étau entre ses besoins financiers, la nécessité de trouver de nouvelles recrues, et la pression du grand banditisme qui cherche à gagner de « nouvelles parts de marché ». Il montre en particulier la logique infernale de la clandestinité, qui rend les frontières entre militantisme et gangstérisme de plus en plus poreuses. Plus les idéaux vieillissent, plus la perspective s’éloigne et plus les « combattants » s’autonomisent, cherchant à se tailler leur propre part du gâteau. Et ces prétentions nouvelles se règlent dans le sang et la violence. I cursini dresse un panorama certes partial de la situation en Corse, tout en laissant de côté les responsabilités de l’État, mais il a le mérite de poser de réelles questions politiques.Henri Clément