De Jérôme Leroy. Collection « Les nouvelles enquêtes de Nestor Burma », French Pulp, 250 pages, 15 euros.
Square Villemin, 10e arrondissement de Paris, surnommé le « petit Kaboul ». Des adolescents afghans, embarqués par des policiers, disparaissent régulièrement. Quand deux de ces gamins sont retrouvés massacrés dans l’appartement d’un haut fonctionnaire de police « suicidé », la numéro un du « Bastion » (le nouveau 36 quai des Orfèvres porte de Clichy) étouffe l’affaire et mène l’enquête.
Au cœur de l’état d’urgence
En plein état d’urgence, des politiciens et des policiers rêvent d’installer un nouveau pouvoir en utilisant la peur du terrorisme. Une partie de la police appuyée sur la mafia roumaine d’extrême droite infiltre l’appareil d’État à un point que la « classieuse » commissaire Faroux se voit contrainte d’installer un QG parallèle, en dehors des locaux officiels, doté de l’appareillage électronique le plus sophistiqué pour mieux dépister les mafieux. Contraint et légèrement forcé, Nestor Burma va devoir mettre entre parenthèses les rêves libertaires de sa jeunesse et choisir son camp. Avec sa petite troupe, il va servir d’appât aux policiers « passés du côté obscur de la force » et aux truands qui ont pris le contrôle des quartiers des gares du Nord et de l’Est.
Terminus Nord nous promène au cœur de l’état d’urgence, où tout le monde surveille tout le monde, à travers les classiques caméras de surveillance, les portables piégés mais aussi… les cafetières électriques connectées. Loin de céder aux facilités de la haute technologie, Jérôme Leroy marche sur les traces de Léo Malet pour tracer le portrait d’un Paris où la « branchitude » ne parvient pas à effacer le Paris de la démerde. La solidarité avec les réfugiéEs existe, le sinistre Moscovici (chef de la mafia roumaine) l’apprendra à ses dépens tandis que le ministre ne parviendra pas à étouffer le scandale. Nestor n’est dupe de rien et Médiapost veille.
Après les Loups de Belleville (voir l’Anticapitaliste numéro 422) qui nous plongeait dans l’affrontement entre les révolutionnaires kurdes du PKK et les services secrets turcs du Millî İstihbarat Teşkilat (MIT) soutenus par les « Loups gris » (milice fasciste supplétive), cette nouvelle enquête centrée sur le trafic des migrantEs et l’État policier nous comble.
Le personnage créé par Léo Malet en 1942 connaît une nouvelle vie passionnante au 21e siècle, et un nouvel opus est promis pour novembre 2018.
Sylvain Chardon