La Compagnie ADA, organisée autour de Judith Bernard, comédienne et metteur en scène, donne une version à la scénographie épurée de cette bouffonnerie en alexandrins sur la crise financière.Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, auteur de nombreux ouvrages sur les marchés financiers, le capitalisme actionnarial et leurs crises, ne veut pas faire œuvre didactique, il dit lui-même « qu’il faut faire feu de tout bois » et que la forme théâtrale et l’émotion qui ressort du rire lui permettent de s’adresser à un nouveau public.La pièce, en quatre actes, synthétise des faits dont l’étalement depuis 2007 a fait perdre la conscience et reconstitue l’enchaînement des causes et des effets. Le citoyen, sujet économique, a réussi à se sentir coupable d’une dette d’État à rembourser absolument alors que son origine première est la crise des subprimes, elle-même fille de la mondialisation néolibérale et de la déréglementation qui l’a accompagnée.La forme de la pièce, entièrement (bien) écrite en alexandrins et en partie chantée, donne du recul sur le sujet et accentue par la bouffonnerie le cynisme des banquiers, la collusion de l’État, sous les traits d’un président et d’un premier ministre facilement identifiables. À chaque « retournement » la finance joue à coup sûr et laisse les dégâts à la charge de l’État.Parmi les conseillers du président, un « Jiminy Cricket » dit pourtant la vérité. C’est la mauvaise conscience, il sera éjecté, mais aussitôt remplacé par un second. On ne peut pas faire taire la vérité, même si on supprime son messager. Le second conseiller vend la mèche en disant des financiers qu’ils sont une « corporation devenue experte à garder les profits pour nous laisser les pertes ».Les acteurs sont convaincants et la mise en scène sobre et astucieuse. Catherine Segala