Publié le Samedi 18 mai 2024 à 17h00.

Veganwashing. L’instrumentalisation politique du véganisme, de Jérôme Segal

Éditions Lux, parution le 17 mai 2024, 168 pages, 15 euros.

«Effet de mode », « truc de bobo »... souvent moqué, au-delà de ses considérations éthiques ou de ses bénéfices pour la santé, le véganisme répond à une réelle urgence écologique. Dans Veganwashing, Jérôme Segal analyse les raisons pour lesquelles cette lutte est si propice aux récupérations politiques et les limites de la compatibilité entre capitalisme et cause animale. 

Hypocrisie

Né en Israël, le concept de veganwashing met en avant l’hypocrisie de la réappropriation par certains gouvernements ou entreprises du véganisme. Ainsi, l’armée israélienne — qui se targue d’être la plus « éthique au monde » et d’autoriser ses soldats de choisir des bottes véganes plutôt qu’en cuir — n’hésitera pas quelques années plus tard à justifier le génocide en cours en qualifiant les PalestinienNEs d’« animaux ». À un autre niveau, c’est la production de fausse viande, faux fromage, faux lait qui est pointée du doigt, arguant que ce nouveau marché fait le jeu de gros groupe industriels par leur rentabilité. En oubliant que, si ces choix alimentaires peuvent être transitoires, le régime végane prône bien davantage une alimentation non industrielle.

Système animalo-industriel

Si la lutte pour les droits des animaux fait l’objet d’une récupération jusqu’à la droite la plus extrême — outre le fameux végétarisme d’Hitler, l’auteur cite le « Réseau Pythagore », organisation animaliste « apartisane » dont les codes sont résolument d’extrême droite —, c’est pourtant bien avec les valeurs de la gauche que cette cause semble la plus logiquement compatible. N’en déplaise à Fabien Roussel (PCF) déclarant : « j’en ai marre d’une gauche et des écologistes qui donnent des leçons de morale, culpabilisent quand vous prenez la voiture, quand vous mangez de la viande... », les luttes peuvent, doivent être menées de front. Angela Davis, elle-même végane, voyait d’ailleurs dans ce choix un refus politique actif et « la moindre des choses que l’on puisse faire pour montrer notre solidarité » face aux milliards d’animaux tués, aux écosystèmes détruits et aux victimes collatérales de ce système animalo-industriel. 

Que ce soit pour la cause écologique ou dans la lutte contre toute oppression, le véganisme et sa base théorique, l’antispécisme, sont des questions fondamentales dont les différents groupes se prétendant enclins à repenser un monde viable et égalitaire devraient se saisir d’urgence. Cet ouvrage de Jérôme Segal, s’il ne prétend pas nous convertir, permet à chacunE d’avancer vers une indispensable prise de conscience. 

Cyrielle L. A.