Publié par Inprecor, par Michael Roberts1.
Avant l’élection de Donald Trump, à chaque fois que les sondages d’opinion augmentaient son futur score, les marchés boursiers baissaient. Le capital financier ne voulait pas qu’il gagne. Mais depuis son surprenant succès, les marchés boursiers n’ont pas chuté. Au contraire, ils ont sensiblement monté avec un dollar plus fort. Il semble, qu’après tout, « le Donald » pourrait être une bonne nouvelle pour le capital.
Les mesures de relance sont une douce musique aux oreilles des économistes keynésiens, malgré le dégoût que les principaux gourous keynésiens ont ressenti devant les attitudes et les rites du « Donald ». En effet, si ces politiques sont mises en œuvre au cours de l’année qui vient, la politique économique de Trump – la « trumpéconomie » – sera le prochain test de la solution keynésienne pour sortir l’économie mondiale de cette longue dépression. Au Japon, la politique économique du premier ministre Shinzo Abe (« abéconomie ») – consistant en des dépenses publiques, des réductions d’impôts et un assouplissement quantitatif similaires – a déjà misérablement échoué. La croissance du produit intérieur brut (PIB) japonais a à peine bougé alors que les revenus salariaux et les prix restent paralysés.
Graphique 1 – Taux de croissance du PIB au Japon
Portant, certains keynésiens applaudissent maintenant l’approche de Trump, qualifiée de « rupture avec le néolibéralisme ». Le grand historien et biographe de Keynes, Robert Skidelsky3, il a fallu la guerre pour atteindre le plein emploi et la reprise économique.
Au cours de la période « d’austérité », à partir de 2009, lorsque les gouvernements ont tenté de générer des excédents budgétaires et réduire la dette publique après la Grande récession – une période où nous sommes encore – les keynésiens nous ont dit que les « effets multiplicateurs » de l’austérité étaient énormes (c’est-à-dire que la croissance était réduite de manière draconienne – de plus de un pour un – en réduisant les déficits budgétaires ou les dépenses gouvernementales). Eh bien, comme je l’ai dit encore une fois précédemment, cette idée de « l’effet multiplicateur puissant » est sérieusement remise en question. En effet, il y a peu de corrélation entre la réduction ou l’augmentation des déficits ou des dépenses et la croissance depuis 2009. La meilleure corrélation de la croissance est avec les profits et non les dépenses gouvernementales.
Récemment, Nora Traum4, « environ 80 % du commerce mondial (en termes d’exportations brutes) est lié à la production internationale des réseaux des sociétés transnationales ». La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estime que « près de 60 % du commerce mondial (…) consiste en biens et services intermédiaires qui sont incorporés à diverses étapes dans le processus de production des biens et services pour la consommation finale ». « Une caractéristique frappante de la mondialisation contemporaine est qu’une proportion très importante et croissante de la main-d’œuvre dans de nombreuses chaînes de valeur mondiales est maintenant localisée dans les économies en développement. Autrement dit, le centre de gravité de la production industrielle mondiale est passé du Nord au Sud de l’économie mondiale », comme le dit Gary Gereffi, cité par Smith.
Inverser cette caractéristique clé de ce qu’on a appelé la « mondialisation » ne peut que nuire aux entreprises étatsuniennes, tout en déplaçant le fardeau des coûts et des prix sur les ménages moyens des États-Unis.
La mondialisation – l’expansion transfrontalière du commerce mondial et des flux de capitaux ainsi que le développement des chaînes de valeur ajoutée à l’échelle internationale – a été un important facteur de neutralisation de la baisse du taux de profit connue dans les économies avancées après le milieu des années 1960. La déréglementation du droit du travail, l’écrasement de la puissance syndicale, la privatisation des actifs du secteur public au niveau national – ont toutes été accompagnées par une expansion mondiale des multinationales. Trump parle maintenant de renverser ce contrefacteur pour bénéficier de son supposé soutien électoral dans la « ceinture de rouille » du Midwest, qui a le plus souffert du mouvement des multinationales étatsuniennes pour exploiter la main-d’œuvre moins chère au Mexique, en Asie et en Amérique latine.
L’ironie (et l’inquiétude du capital) c’est que la Grande récession et la longue dépression qui en résulte semblent mettre de toute façon un terme à la mondialisation. La mondialisation était déjà en crise avant Trump et le Brexit. L’effondrement financier mondial, la Grande récession et la longue dépression qui l’a suivie depuis 2009 (semblable à celle des années 1930) ont entraîné un ralentissement de l’expansion du commerce mondial.
Graphique 6
À en croire la mesure standard de la participation aux chaînes de valeur mondiale, produite par le Fonds monétaire international (FMI), la hausse de la rentabilité des multinationales majeures est maintenant en train de s’effondrer.
Graphique 7
Bien sûr, les flux de l’information (principalement le trafic internet et les appels téléphoniques) ont explosé, mais les échanges et le flux des capitaux sont toujours en dessous de leurs pics d’avant la récession. Et l’investissement étranger direct en tant que part du PIB diminue actuellement dans le monde.
Graphique 8. Investissements étrangers directs
Il en va de même en ce qui concerne les flux des capitaux vers les économies dites émergentes, qui ont chuté.
Graphique 9 Flux vers pays émergents.
Les dirigeants du G20 se sont rencontrés récemment, avant la victoire de Trump, et ils ont déjà pu voir les signes avant-coureurs en ce qui concerne la mondialisation. Ils ont annoncé qu’ils étaient opposés au protectionnisme « sous toutes ses formes ». Comme les économistes de la Deutsche Bank le disent : « C’est comme si nous allions vers la fin d’une ère économique (…) et le temps vient à manquer pour empêcher les changements de régime économique et politique du fait des tensions qui se manifestent au sein du système. »
Les stratèges du capital craignent que la « trumpéconomie » se révèle pire pour le profit à l’échelle mondiale. Lorenzo Bini Smaghi, ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE) et un des principaux stratèges du capital financier, commente : « Essayer d’inverser la mondialisation peut être préjudiciable, en particulier pour les pays qui feront le premier pas. Ce sont les économies avancées qui font face aux plus grands défis dans la période la plus récente et c’est pourquoi les mouvements antimondialisation y gagnent des soutiens et les gouvernements sont tentés de se replier sur eux-mêmes. Cependant, du fait que leurs économies sont si puissantes et si intégrées dans le tissu de la mondialisation, ils ne peuvent pas inverser le cours à moins que les marchés émergents ne reculent également. »
Et le risque, c’est que les économies émergentes pourraient s’enfoncer dans le marasme si le commerce mondial recule encore et que les sources de capitaux se tarissent. Les économies émergentes ont accumulé un endettement important auprès des banques américaines et européennes pour investir, pas toujours dans les secteurs productifs. Jusqu’à maintenant cela n’était pas très grave, parce que les taux d’intérêt à l’échelle mondiale sont très bas et parce que le dollar américain a été faible, de sorte que l’emprunt en dollars ne posait pas de problèmes.
Mais cela commence à changer, en partie du fait de la « trumpéconomie ». Cette année, Moody’s Invesors Service a baissé la cote du crédit pour 35 pays, incluant l’Autriche, la Turquie et l’Arabie Saoudite, et ne l’a améliorée que pour 7 pays. Actuellement, une perspective négative pèse sur le crédit des 35 parmi les 134 pays évalués par la firme de notation. Cela fait courir le risque de déclassement sur au moins 7 000 milliards de dollars de la dette publique, à en croire les données pour la fin de l’année 2015 publiées de la Banque des règlements internationaux. La proportion des pays dont la perspective créditrice est considérée par Moody’s comme négative est aujourd’hui la plus élevée depuis 2012, ce qui ne pouvait arriver à un plus mauvais moment. Les taux d’intérêt des obligations, en particulier à longue échéance, sont maintenant en forte hausse. Si cela signifie la fin de la bulle vieille de 35 ans sur le marché obligataire, les gouvernements devront se préparer à une hausse significative du coût de l’emprunt, après des décennies de taux d’intérêt très faibles.
En même temps, le dollar étatsunien a fortement grimpé vers le haut par rapport aux autres devises commerciales.
Graphique 10
L’endettement mondial des investissements productifs a fortement augmenté.
Graphique 11
Et le ratio dette/fonds propres (capital) des économies émergentes a également augmenté fortement.
Graphique 12
La faible croissance, qui ralentit encore à l’échelle mondiale, conjuguée avec un coût croissant du crédit et avec la stagnation du commerce – maintenant menacés par la « trumpéconomie » – va augmenter – et non éviter – le risque d’une récession mondiale.
- 1. Michael Roberts est l’auteur de The Great Recession – Profit cycles, economic crisis, a Marxist view (2009) et de The Long Depression – Marxism an the Global Crisis of Capitalis (Haymarket Books, Chicago 2016). Nous avons repris cet article de son blog : https://thenextrecession… (Traduit de l’anglais par JM).
- 2. Dans un autre article, mis en ligne le 22 novembre, Michael Roberts explique pourquoi le marché boursier étatsunien continue de bondir et atteint un niveau record : « Une partie du plan Trump (encore une fois, s’il le réalise) consiste à réduire le taux d’imposition des entreprises qui détiennent d’énormes réserves de trésorerie à l’étranger, si elles ramènent ces fonds dans le pays. Contrairement à d’autres pays développés, les États-Unis imposent le revenu mondial des sociétés, mais en même temps permettent de différer le paiement de l’impôt sur les bénéfices jusqu’à ce que ces derniers soient rapatriés. En conséquence, les entreprises étatsunienne ont évité les impôts en gardant au large environ 2 600 milliards de dollars – un chiffre cité par le Comité fiscal du Congrès. (…) Une telle idée avait été essayée en 2004, sous George Bush. Le résultat n’a pas été une augmentation des investissements productifs, mais une nouvelle flambée de la spéculation financière. Les sociétés ayant obtenu “l’amnistie” fiscale l’ont utilisée pour racheter leurs propres actions ou pour distribuer des dividendes aux actionnaires, ce qui a fait grimper le cours de leurs actions, leur permettant ensuite d’emprunter à des taux très bas grâce à leur “valeur marchande” ainsi améliorée. (…) Interrogé sur ce qu’il ferait avec l’argent rapatrié si l’administration Trump réduit les impôts sur les profits étrangers, le PDG de Cisco System Inc., Chuck Robbins a déclaré : “Nous pouvons envisager divers scénarios sur ce que nous allons faire, mais vous pouvez comprendre que nous nous concentrerons sur les plus évidents – le rachat des actions, les dividendes et les fusions & acquisitions.” (…) Ainsi – inefficaces pour augmenter la croissance économique aux États-Unis, créer davantage d’emplois, améliorer les revenus réels et les transports – les plans de Trump stimuleront les marchés financiers et un boom spéculatif. » (Traduit de : https://thenextrecession…)
- 3. Robert Skidelsky, « Trumpism could be a solution to the crisis of neoliberalism », The Guardian, https://www.theguardian…], nous dit que « Trump a également promis un programme d’investissements infrastructurels de 800 à 1 000 milliards de dollars, qui serait financé par des obligations, ainsi qu’une réduction massive des impôts des entreprises, visant tous les deux la création de 25 millions d’emplois nouveaux et stimulant la croissance. Ceci, de pair avec un engagement du maintien des droits à l’aide sociale, équivaut à une forme moderne de la politique budgétaire keynésienne ». Et Skidelsky poursuit : « Comme Trump passe du populisme à la politique, les libéraux ne devraient pas s’en détourner avec dégoût et désespoir, mais plutôt s’engager du côté du potentiel positif du trumpisme. Ses propositions doivent être débattues et affinées, non rejetées en tant que divagations d’un ignorant. » Ainsi, les libéraux avec leur persuasion keynésienne peuvent vouloir « s’engager » auprès de Trump et adopter la « trumpéconomie », mais ceux qui aspirent à améliorer le sort du Travail – la majorité qui ne fait pas partie du sommet des 1 % – auront une autre vision.
Regardons d’un peu plus près la « trumpéconomie ». Apparemment, Skidelsky pense que la réduction de l’impôt sur les sociétés créera de nouveaux emplois et augmentera la croissance. Mais rien ne permet d’affirmer que les précédentes réductions des impôts des entreprises l’ont permis dans les grandes économies. Les taux d’imposition des sociétés ont été réduits au cours de la période néolibérale et pourtant la croissance économique a fléchi. Ce qui est arrivé, c’est une augmentation de la part des revenus du capital au détriment de ceux du travail et un accroissement de la spéculation financière improductive. Officiellement, le taux d’imposition de la marge des entreprises est de 35 % aux États-Unis, mais après les diverses exemptions, il n’est que de 23 % – un des plus bas au monde.
Graphique 2 – États-Unis : évolution du profit des entreprises après impôts et des impôts des entreprises collectés (2001-2013)
Le plan de Trump concernant les infrastructures est vraiment nécessaire. Dans mon blog, j’ai souvent mentionné l’état terrible des services publics et de la communication aux États-Unis. L’âge moyen des immobilisations atteint 22,8 années – le plus grand connu depuis 1925. Les dépenses pour les infrastructures sont à leur niveau le plus bas depuis 30 ans et les ponts, les routes et les chemins de fer s’effondrent sous nos yeux. Selon le rapport de 2013 de la Société américaine des ingénieurs civils, jusqu’à 2020 les États-Unis ont des besoins en infrastructure dont le coût dépassera 3400 milliards de dollars : 1 700 milliards pour les routes, les ponts et les transports ; 736 milliards pour l’électricité et ses réseaux ; 391 milliards pour les écoles ; 134 milliards pour les aéroports ; et 131 milliards pour les voies navigables et les projets connexes. Mais les investissements fédéraux dans les infrastructures ont diminué de moitié au cours des trois dernières décennies, passant de 1 % à 0,5 % du PIB.
Sans aucun doute, l’investissement public dans l’infrastructure aiderait l’économie des États-Unis et augmenterait légèrement le taux de croissance – Goldman Sachs l’estime à 0,2 % par an. Mais en parlant de mille milliards de dollars de dépenses en quatre ans, Trump ment par omission : la plupart de ces dépenses ne seront pas un investissement public, les fonds viendront des sources privées incitées à les fournir. Les grandes entreprises de construction et les promoteurs (comme la Trump Inc.) se verront offrir des exemptions fiscales ainsi que le droit de posséder les ponts, les routes etc. à péage, dont la facture sera payée par leurs utilisateurs. Les dépenses directes et les constructions publiques seront limitées.
En outre, comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, il y a peu de preuves que les programmes keynésiens de relance servent à fournir des emplois et à relancer la croissance. Skidelsky mentionne l’ère Roosevelt des années 1930. En fait, très peu d’emplois permanents ou nouveaux ont été créés sous Roosevelt. Le taux de chômage est resté élevé jusqu’au début de la guerre. Comme Paul Krugman, le gourou keynésien américain, l’a remarqué dans son livre
Paul Krugman, Sortez-nous de cette crise… maintenant !, Flammarion, Paris 2012. - 4. Nora Traum, Eric M. Leeper, Todd B. Walker, Clearing Up the Fiscal Multiplier Morass, http://citeseerx.ist.psu…] a constaté que « les hypothèses différentes créent des effets multiplicateurs différents ». Elle a demandé à neuf modélisateurs, qui utilisent des modèles différents, de prédire l’effet sur la croissance de trois différentes propositions de réformes fiscales. Les prévisions pour la même réforme ont varié entre – 4,2 % et 16,4 % à court terme et de 1,7 % à 7,5 % à long terme…
Les récentes recherches ont montré que pour le capital la meilleure nouvelle c’est une réduction des dépenses publiques plutôt qu’une augmentation des impôts pour appliquer l’austérité. La réduction des dépenses publiques donne plus d’espace au capital privé alors que l’augmentation des impôts, tels ceux sur les entreprises, est plus préjudiciable au capital et donc à la croissance. Si nous nous attendons maintenant à une expansion budgétaire et non à l’austérité de la part de Trump (nous verrons…), alors le capital appréciera les réductions des impôts mais ne voudra pas de dépenses publiques (à l’exception des promoteurs obtenant des contrats), surtout si ces dernières interfèrent ou remplacent les investissements privés. C’était déjà l’argument du post-keynésien Michal Kalecki lui-même… contre la relance keynésienne.
L’économie marxiste explique cela. Ce qui motive vraiment l’investissement dans les économies capitalistes modernes, où domine l’investissement privé, c’est le profit escompté. Les investissements privés se sont réduits car leur rentabilité est trop faible, mais même alors le secteur public ne doit pas intervenir.
Graphique 3
Là est la différence entre le plan de Trump et celui du gouvernement chinois – qui a massivement investi dans l’infrastructure et l’urbanisation depuis 2009. La Chine a dépensé autour de 11 000 milliards de dollars dans les infrastructures au cours de la dernière décennie – soit dix fois plus que ce que propose Trump. Ces investissements publics, financés par les banques d’État et réalisés par les entreprises publiques ont affaibli la croissance du secteur privé en Chine. Mais comme c’est l’État chinois qui exerce le contrôle de l’économie et non le grand capital domestique ou étranger (au grand dam de la Banque mondiale), ces investissements ont pu aller de l’avant et assurer une croissance annuelle de 6-7 % au cours de cette longue dépression.
Graphique 4
Ainsi, la probabilité que la « trumpéconomie » va fonctionner et assurer une croissance annuelle de 4 % – comme le prétend Trump – est très faible.
Ironie du sort, lorsque les conseillers de Bernie Sanders ont suggéré qu’un programme similaire soit adopté et ont prétendu qu’il permettrait d’atteindre 4 % ou plus de croissance, les économistes dominants l’ont attaqué, disant que c’était un rêve
Voir : Gerald Friedman, « What Would Sanders Do? Estimating the Economic Impact of Sanders Programs, » (28 janvier 2016 : http://www.dollarsandsen…) et la réponse des conseillers économiques de Hillary Clinton : Christina D. Romer et David H. Romer, « Senator Sander’s proposed policies and economic growth » (25 février 2016 : https://thenextrecession…] – à mon avis ils avaient raison. Mais maintenant que c’est Trump qui le préconise, les marchés financiers et les keynésiens trouvent une telle politique attrayante et même possible. Comme la politique économique du japonais Shinzo Abe, la « trumpéconomie » est en réalité une combinaison du keynésianisme et du néolibéralisme. Les nouvelles dépenses et les réductions d’impôts doivent être financées, apparemment, par plus de déréglementation du marché et des conditions du travail afin de doper les profits. Ceci est censé stimuler le taux de croissance dans un « modèle dynamique », ou ce que l’on appelait auparavant « la théorie du ruissellement » : les riches qui obtiennent des réductions d’impôts les dépensent pour des biens et des services et ainsi nous autres avons un peu plus de revenus et d’emplois. La principale incitation, selon l’expert économique de Trump lui-même, ne vient pourtant pas des réductions des impôts personnels et de ceux des entreprises, mais de la possibilité pour le capital d’amortir immédiatement et non au fil du temps leurs investissements.
Ce qu’ignore Skidelsky dans son éloge pour les politiques de Trump est la marque de la « trumpéconomie » : le protectionnisme commercial et les restrictions en matière d’immigration. Ces politiques sont beaucoup plus susceptibles d’être imposées que sa relance de style keynésien. Trump envisage d’abandonner le Partenariat Trans-Pacifique (accord commercial régional avec le Japon et l’Asie) ainsi que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (avec l’Europe) et de « renégocier » l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA, le pacte commercial avec le Mexique et le Canada). L’objectif étant de « protéger » les emplois étatsuniens et de mettre fin à la main-d’œuvre mexicaine bon marché.
Comme « le Donald » l’a dit en mars dernier, « je vais faire en sorte qu’Apple commence à fabriquer ses ordinateurs et ses iPhone sur nos terres, pas en Chine ». Et il veut imposer une taxe de 45 % sur les importations chinoises. On estime que cela pourrait faire chuter le PIB chinois de 4,8 % et les exportations chinoises vers les États-Unis de 87 % en trois ans, selon Daiwa Capital Market. Même si Apple trouve assez d’ouvriers pour assembler ses produits aux États-Unis, le coût de fabrication d’un Apple iPhone 7 pourrait augmenter de 30 à 40 dollars, estime Jason Dedrick, professeur de la School of Information Studies à la Syracuse University. Comme la main-d’œuvre ne représente qu’une petite partie des coûts de production d’un appareil électronique, la plupart de ces dépenses complémentaires viendraient du transport des composants vers les États-Unis. Si les composants des iPhone étaient également fabriqués aux États-Unis, le coût de l’appareil pourrait grimper de 90 dollars. Cela signifie que, si Apple décide de transférer tous ces coûts aux consommateurs, le prix de détail de l’appareil pourrait grimper de 14 % environ. Ainsi la politique commerciale annoncée par Trump signifierait une forte hausse des prix des marchandises aux États-Unis, même en supposant qu’il n’y aurait pas de représailles de la part de la Chine.
Graphique 5
Comme John Smith l’a démontré
John Smith, Imperialism in the Twenty-First Century: Globalization, Super-Exploitation, and Capitalism’s Final Crisis, Monthly Review Press 2016.