Elle est après les élections du 24 mai une possible maire de Barcelone. Militante depuis des années, elle est la cofondatrice de la PAH, organisation qui lutte contre les expulsions de familles surendettées dans un pays où 3,4 millions de logements restent vides. L’explosion de la bulle immobilière en 2008 et les politiques d’austérité ont en effet plongé des centaines de milliers de personnes dans l’incapacité d’honorer leur crédit hypothécaire, tandis que le chômage touche plus d’un quart de la population active.
Pour empêcher les expulsions, la PAH organise des rassemblements devant les domiciles des personnes menacées, des occupations de sièges de banque, des opérations coup de poing sous les fenêtres d’élus. Ada Colau affirmait début 2014 que la PAH avait alors bloqué plus d’un millier d’expulsions et aidé à reloger un millier de personnes. En juillet 2013, dans une interview au quotidien El País, elle déclarait : « Le message le plus important de la PAH est de dire que les gens simples, s’ils s’organisent, s’ils se soutiennent les uns les autres, peuvent soulever des montagnes et réussir ce qui paraît impossible. »
Les élections du 24 mai confirment la crise du système des deux partis dominants qui régissaient l’Espagne depuis la fin du franquisme. Au niveau de l’Etat espagnol, si les listes (souvent de coalition) soutenues par Podemos remportent des succès importants, si le Parti populaire (droite) subit un échec, le PSOE (parti socialiste) sauve les meubles et Ciudadanos (la réponse de droite à Podemos) fait une percée.
Les anticapitalistes ne peuvent que se réjouir du succès des listes soutenues par Podemos. Mais leurs élu-e-s se heurteront à de multiples chausse-trapes pour mettre fin à l’emprise de la droite sans céder aux tentatives du PSOE de se refaire une virginité. Ainsi à Barcelone, « Barcelona en común » a obtenu 11 sièges sur 41. Pour être investie, Ada Colau aurait besoin au moins de l’abstention du PSC/PSOE. Ce qui est problématique par rapport au programme de sa campagne : paralyser les expulsions, convertir les appartements vides en logements sociaux, forcer les entreprises à réduire les prix de l’eau, du gaz, de l’électricité, lancer un revenu minimum de 600 euros.
Au niveau national, une certaine incertitude règne dans le cercle restreint qui, autour de Pablo Iglesias, dirige Podemos. Le numéro trois du parti a démissionné peu avant les élections pour des raisons peu claires tout en critiquant un tournant de la direction vers la « modération ». Après ces élections, Iglesias a mis l’accent sur la nécessité de se débarrasser du Parti populaire dans les villes et les régions et sur la lutte contre la corruption. Pour le reste, il s’est montré plus évasif, notamment sur ce que cela impliquerait comme type d’accords possibles avec le PSOE et les conditions de tels accords
Podemos s’est construit en-dehors de la gauche traditionnelle comme un parti anti-austérité et antisystème, contre la « caste » qui, de droite ou de gauche, gère l’Espagne. Il est le fruit de la mobilisation sociale, d’abord des indignés, puis des « marées », sectorielles (comme dans la santé) ou générales qui ont fait agir et battre le pavé à des millions d’Espagnols. Mais le PSOE pense profiter de la situation pour se remettre en selle contre le Parti populaire aujourd’hui au gouvernement, dans la perspective des élections législatives de la fin 2015.
Rien n’est donc joué. Beaucoup de chemin reste à faire. Podemos va devoir approfondir sa réflexion programmatique et stratégique, se mettre en situation de maintenir son indépendance vis-à-vis du social-libéralisme et rester fidèle à ses engagements d’une action politique transparente sans accords négociés dans l’ambiguïté. Tout en préparant les futures échéances politiques, il lui faudra surtout développer la mobilisation populaire au côté des organisations sociales pour préparer une vraie rupture avec l’austérité et la politique du capital car celle-ci ne pourra résulter des seules élections.
Dans l’immédiat, bon vent à Ada Colau et à ses camarades !
Henri Wilno