Pour le 52e samedi consécutif, nous avons manifesté samedi 5 octobre à Millau pour le respect du droit international en Palestine. Que s’est-il passé avant qu’Israël s’octroie, le 7 octobre, un permis de tuer sans limites à Gaza ? L’histoire n’a pas commencé le 7 octobre. Dézoomons, recontextualisons.
L’occupation militaire a commencé en 1967 ; la dépossession et les massacres, en 1948 ; les meurtres et la terreur en 1917. Les milices terroristes sionistes sont nées il y a un siècle : la Haganah en 1920, l’Irgoun en 1931, le Lehi-Stern en 1940. Le dessein et les intentions génocidaires sont sans équivoque dès la proclamation de l’État d’Israël en 1948.
Depuis quatre générations, la vie des familles palestiniennes est définie par la violence coloniale, entièrement rythmée, de la naissance à la mort, par les assauts de l’occupation. Chaque famille palestinienne connaît les emprisonnements arbitraires répétés, les coups et la torture qui vont systématiquement de pair. Chaque famille palestinienne subit au quotidien les humiliations, l’oppression, la dépossession, l’arbitraire, le non-droit face à la toute-puissance de l’occupant. Chaque famille palestinienne connaît le déplacement.
Un enfant de Gaza âgé de 15 ans aujourd’hui vit sa cinquième guerre
Avant le début du génocide, 80 % des PalestinienNEs de la bande de Gaza étaient des réfugiéEs, c’est-à-dire des personnes dépossédées de leur maison, leur ferme, leur verger, leurs terres, leur commerce, chassées et concentrées dans ce qui était devenu la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Impossible d’en sortir et d’y entrer, que ce soit par terre, air ou mer. Blocus total sur les denrées aussi, des biens médicaux aux vêtements en passant par la nourriture et les matériaux de construction.
En 2004, le conseiller en sécurité israélien Giora Eiland se réjouit de ce que la bande de Gaza soit devenue « un gigantesque camp de concentration ». En 2006, l’historien israélien Ilan Pappé décrit l’oppression des PalestinienNEs comme un « génocide par paliers » (« incremental genocide »). En 2018, l’ONU dit de la bande de Gaza qu’elle est « impropre à la vie ». Aujourd’hui, un enfant de Gaza âgé de 15 ans vit sa cinquième guerre.
La répression
Toute révolte ou initiative pacifique palestinienne est réprimée dans le sang par l’occupant. Durant la première Intifada (1987), l’armée d’occupation lance ses chars sur les adolescents jeteurs de pierres. « Brisez-leur les os », telle est la consigne d’Yitzhak Rabin, alors ministre de la Défense. Il est pris au mot : 1 500 jeunes PalestinienNEs sont assassinés. Lors de la Marche du retour en 2018, l’armée d’occupation assassine 300 jeunes manifestantEs sans armes, et rend infirmes 10 000 jeunes marcheurs.
Cependant, la résistance palestinienne n’aspire qu’à permettre au peuple de Palestine de vivre dans un État avec des droits de citoyen : mourir de mort naturelle, se nourrir à sa faim, voyager, pouvoir rassurer ses enfants sans leur mentir, avoir le droit de pêcher, de cultiver sa terre, s’endormir sereinement le soir, avoir des projets, des rêves.
Des massacres à la quête de dignité
J’affirme donc que : non content d’avoir expulsé 800 000 PalestinienNEs en 1948 et massacré des centaines de villageois à Deir Yassin et Tantura, non content de violer 230 résolutions de l’ONU et la 4e Convention de Genève, non content d’occuper militairement et illégalement la Cisjordanie et d’y imposer l’apartheid, ainsi que dans les territoires de 1948, non content d’avoir encouragé l’installation de près de 900 000 colons à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, non content d’avoir fait massacrer des milliers de PalestinienNEs à Sabra et Chatila, non content d’infliger un blocus drastique illégal aux 2 300 000 PalestinienNEs de Gaza depuis 2007, non content d’avoir tué 1 400 PalestinienNEs lors de l’offensive de 2008-2009 et plus de 2 200 lors de l’offensive de 2014, non content d’avoir arrêté plus d’un million de PalestinienNEs depuis 1967, non content d’avoir rasé le camp de réfugiéEs de Jenine en avril 2002, empêché les secours d’intervenir et la commission de l’ONU d’enquêter, Israël poursuit son dessein génocidaire commencé en 1948.
Refat Alareer, enseignant et poète palestinien assassiné à Gaza le 6 décembre dernier, à propos du 7 octobre : « C’est comme le soulèvement du ghetto de Varsovie : le soulèvement du ghetto de Gaza. Nous savons qu’Israël va nous tuer, d’une manière ou d’une autre. Nous mourons de faim, nous sommes sous blocus, nous sommes dépossédés, déplacés de force. Israël veut nous mettre à genoux. Alors pourquoi ne pas nous battre en retour et mourir dans la dignité ? »
Marie Schwab