Le vote en faveur du Brexit en juin dernier continue à poser de sérieux problèmes pour les directions des partis conservateur et travailliste, ainsi que pour le patronat britannique, qui tous, majoritairement, n’en voulaient pas...
Après le vote, le Parti conservateur n’a pas choisi l’option d’un Brexit « soft » avec un accès au marché unique mais aussi une obligation d’accepter la liberté de circulation de tous les citoyens de l’UE. Devant la pression de l’aile droite la plus réactionnaire du parti et la déstabilisation que pourrait lui procurer une nouvelle poussée de UKIP (le « Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni »), le gouvernement de Theresa May a opté pour un Brexit dur et raciste : l’abandon d’un accord sur le marché unique et la menace d’une fermeture des frontières à l’immigration de l’UE.
May sous la pression
Theresa May parle d’une « Grande-Bretagne globale », avec des accords commerciaux privilégiés négociés en particulier avec « l’anglosphère », dont les USA... Mais le succès est loin d’être garanti. Trump a promis une politique très protectionniste au nom de « America First » et le rapport de forces lors des négociations joue largement en faveur des USA bien plus puissants. D’autre part, l’UE n’est pas prête à faire de cadeaux au Royaume-Uni lors des nouvelles négociations sur les accords commerciaux.
Devant le risque de pertes de marchés, Theresa May a déjà laissé entendre qu’elle pourrait baisser les impôts sur les sociétés pour compenser le patronat mais avec la conséquence d’une baisse des dépenses publiques, notamment sur la santé et l’éducation.
L’autre grand problème pour les conservateurs vient de l’Irlande du Nord et surtout de l’Écosse, deux pays où le vote était majoritaire contre le Brexit. En Écosse, le Parti national écossais (SNP) utilise ce constat pour revendiquer l’organisation d’un nouveau référendum sur l’indépendance et un maintien dans l’UE, référendum lors duquel le Oui à l’indépendance pourrait cette fois l’emporter.
Des travaillistes divisés
La droite (social-libérale) du Parti travailliste, majoritaire chez les parlementaires et très pro-Remain lors du référendum voudrait un Brexit soft avec un accès au marché unique de l’UE mais aussi une politique anti-immigration plus dure. Dans un discours récent, Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste, a déclaré lui aussi que « beaucoup d’emplois dépendent du marché unique », qu’il fallait une « gestion raisonnable de l’immigration » et qu’il n’était pas attaché de manière définitive à la libre circulation des citoyenEs de l’UE... Un recul important par rapport à ses positions antérieures beaucoup plus correctes. Cela représente aussi une concession de plus à la pression de la droite du parti mais aussi d’une partie de ses anciens ou actuels soutiens qui souhaitent la dilution d’une politique perçue comme trop radicale et qui ne permettrait pas de gagner les élections.
En Écosse, le Parti travailliste fut laminé après sa décision catastrophique de s’opposer à l’indépendance en s’alliant aux conservateurs. Aujourd’hui il cherche à se placer entre les deux, avec une politique qui accorderait plus d’autonomie sur certaines questions... tout en continuant à s’opposer à l’indépendance. Ce choix d’une troisième voie risque de se solder par un échec encore plus cuisant.
La réponse des anticapitalistes
Lors du référendum sur le Brexit, la gauche anticapitaliste était divisée. Aujourd’hui, il semble difficile de ne pas accepter le vote, car s’y opposer serait vu comme antidémocratique par les travailleurs qui ont voté en sa faveur.
Pour beaucoup de travailleurs, le Brexit représentait un moyen de punir l’élite et les politiciens des grands partis. Ce sentiment « antisystème » et la colère pourraient se transformer en résistance. Pour y répondre, il est urgent de construire un mouvement puissant contre le racisme et l’austérité. La division des conservateurs rend cette perspective plus réaliste et les mobilisations des derniers mois montrent la voie. Les grèves dures dans les chemins de fer en période de Noël, l’immense manifestation il y a quelques semaines en défense du système de santé et la manifestation antiraciste impressionnante du 18 mars en donnent une petite idée.
Ross Harrold