Qui a dit : « J’ai eu le sentiment d’être humilié avant d’avoir pu dire un mot », « Cette légèreté, je l’ai perdue pour toujours » ? Nafissatou Diallo ? Tristane Banon ? Eh non, DSK lors de son show au 20 heures. On aura tout entendu et surtout ceci : le suspect est en fait la victime et la victime présumée... la coupable ! DSK a seulement omis de répondre à la question de Clémentine Autain1 : « Comment est-ce possible qu’une femme entre dans votre chambre d’hôtel et recrache votre sperme entre 7 et 9 minutes plus tard ? » Quel séducteur...
Si son numéro vous a donné l’envie de casser votre télé, si vous vous étiez bien gardéE de l’allumer ou si vous étiez devant TF1 en train de manifester votre exaspération, lisez ce recueil d’articles qui remet les pendules à l’heure. 22 féministes y décortiquent les discours médiatiques des amiEs de DSK. Il ne s’agit pas « de révéler l’affaire, mais d’envisager l’affaire comme un révélateur ». Et le bilan est accablant : « des cœurs meurtris des amis ont surgi des cris d’une sincérité rare, qui, perçant le mur de la langue de bois, nous ont révélé la vérité de ces cœurs : ils sont remplis d’une misogynie dont la profondeur n’a d’égale que leur arrogance de classe. » Déni des comportements sexistes des hommes publics, confusion entretenue entre sexualité et agression sexuelle, négation du consentement sont autant de leitmotivs qui dressent le portrait sans appel d’un société qui occulte toujours le crime de viol : 75 000 viols environ sont commis chaque année en France pour 2 000 condamnations. Une preuve que l’absence de procès pénal ne démontre en rien l’innocence.
Autre fait qui échappe aux amiEs de DSK, pour qui les violences sexuelles sont toujours chez les autres : celles-ci sont de tous les milieux, de tous les quartiers. « De la même façon que la race, la classe et l’appartenance à un certain contexte géopolitique de la victime semblent conditionner la possibilité de sa défense dans les médias dominants : il n’y a de violeurs que dans les « caves de cité » [...] Les journalistes d’Arte2 n’ont ainsi mené aucune enquête au FMI où la consigne en vigueur était pourtant de " ne jamais laisser DSK seul avec une femme dans son bureau " ».
Au fil des articles, transparaît « la permanence du sexisme en France », résultat de l’organisation patriarcale de la société, et la profondeur des « solidarités de genre, de race et de classe » dont Nafissatou Diallo, comme tant d’autres, fait les frais. Mais sa mise à nu et l’abandon des poursuites suscite un salutaire sursaut de révolte auquel ce livre contribue.
Capucine LarzillièreÉditions Syllepse, 82 pages, 7 euros
1. Dans le dernier numéro de Elle.2. Auteurs en 2010 de La Cité du mâle mettant en exergue les violences sexistes dans les banlieues.