Le groupe PEPS donne son point de vue sur la situation et la construction du parti. La situation politique complexe issue de la séquence électorale et de la crise économique, sociale et écologique appelle les partisans d’une rupture anticapitaliste à faire preuve d’unité et de responsabilité.
L’abstention ne recule pas et s’étend
Cette sécession plébéienne devient structurelle. Les élections ne concernent plus une grande partie de la jeunesse, des ouvriers, des catégories populaires. Un fossé durable s’est institué entre un personnel politique hors sol et une population entrée en dissidence.
Le RN s’installe, se renforce nationalement et se banalise
La responsabilité des macronistes qui ont confondu délibérément « les extrêmes », renouant ainsi avec le slogan de la droite de l’entre-deux-guerres (mieux vaut Hitler que le Front Populaire, mieux vaut le RN que la FI) est écrasante mais elle ne fait que renforcer des tendances de fond : l’implantation locale (Pas-de-
Calais, Var, Pyrénées-Orientales), la dédiabolisation du RN par Marine Le Pen qui la fait apparaitre comme un personnage modéré défendant les plus modestes. Zemmour a été son « idiot utile » en apparaissant comme la figure du fasciste intégral. Mais ses thèmes de prédilection (le Grand remplacement, la remigration, le racisme et l’islamophobie) ont maintenant 90 représentants à l’Assemblée nationale reconnus par le pouvoir comme des interlocuteurs naturels.
L’échec relatif de la NUPES
Le doublement des députés issus de la gauche est un acquis mais ce résultat est décevant par rapport aux attentes suscitées. Il n’y a pas eu de réelle dynamique. La gauche reste minoritaire. Une partie de son électorat naturel dans les classes populaires et la jeunesse s’est réfugié dans l’abstention, une autre dans le vote RN. Un troisième segment, celui de classes moyennes aisées qui avait voté Jospin ou Hollande a rejoint durablement le bloc bourgeois en votant Macron. L’accord des appareils de la gauche conclu en moins de 15 jours a pu apparaitre comme une fuite en avant électoraliste pour avoir des places. Les parachutages, l’absence de prise en compte de la réalité locale, comme celle des jeunes issus de l’immigration était contradictoire avec la volonté d’union à la base. La campagne trop courte, entièrement faite autour du seul slogan « Mélenchon Premier ministre » ne répondait pas aux attentes et au questionnement sur de nombreux points : la démocratie, le fossé entre classes populaires blanches et quartiers populaires, le rejet de la métropolisation, de la mobilité et les dépenses contraintes, mais aussi la prise en compte des raisons qui paralysaient la mobilisation de l’électorat de gauche (la pandémie, la guerre, le racisme). Cette peur qui touche tout l’électorat est un des impensés de cette séquence.
Néanmoins, la NUPES a suscité l’espoir en réussissant à présenter pour la première fois dans l’histoire des candidatures communes dans presque toutes les circonscriptions sur la base d’un programme réformiste radical qui a déplacé le marqueur de la gauche néolibérale de Hollande à la gauche antilibérale. Ce programme trace aussi les marqueurs d’un programme de résistance au plan de contre-réformes. Il a fait rentrer à l’Assemblée nationale une nouvelle génération de militantEs politiques avec de fortes personnalités (Rachel Keke, Aurélie Trouvé, Louis Boyard, Alma Dufour, Andy Kherbrat…) des jeunes issuEs des mouvements sociaux et des quartiers populaires, des syndicalistes, des activistes écolos… La NUPES constitue la première force d’opposition et, malgré les divisions entre les quatre groupes parlementaires, exprime une diversité utile y compris à travers sa composante sociale-démocrate. Mais si la NUPES n’accouche pas d’un mouvement qui dépasse le cartel électoral, elle ne pourra pas aller beaucoup plus loin. C’est l’une de nos responsabilités : faire que là où c’est possible, des Parlements locaux de la NUPES se construisent incluant organisations et membres non encartés, militants politiques mais aussi membres de la gauche syndicale, associative, mouvementiste. Si la NUPES ne s’ancre pas dans le mouvement social, son cartel sera fragile et soumis aux logiques des appareils du PCF, du PS et d’EELV.
Nous sommes rentrés dans une crise institutionnelle
Il y a en effet à la fois une victoire même par défaut de Macron aux présidentielles et un vote sanction très lourd de la Macronie avec une majorité relative de 245 sièges au lieu de 289. Le bloc bourgeois a une base électorale solide qui peut être à tout moment renforcé par une partie des Républicains devenu un petit parti en position charnière entre la droite et l’extrême droite. Le macronisme a su créer autour de lui une coalition rénovée de centre droit qui saura défendre ses intérêts de classe. Macron n’a pas beaucoup de possibilités. Il peut tenter le référendum et la dissolution mais dans chacun des deux cas, ce sont des armes à double tranchant pouvant se retourner contre lui. Il peut essayer de tenir en appliquant son programme au coup par coup. Mais les seules mesures qui peuvent être votées le seront par une coalition virtuelle et rampante « LR-Ensemble » sur la base d’une guerre de classe comme la retraite à 65 ans, l’assurance chômage et un renforcement de la répression et des lois sécuritaires. La période qui s’ouvre va être à la fois un recentrage autour du Parlement et de la rue.
PEPS, dans cette phase politique poursuit trois objectifs :
• Construire la Confédération de l’écologie sociale en regroupant les écologistes anticapitalistes, sociaux et communalistes, écosocialistes, partisans de la justice environnementale, objecteurs de croissance écoféministes, écologistes décoloniaux. Pour nous la centralité du paradigme écologiste est indépassable. Nous ne souhaitons pas noyer l’écologie radicale dans une nouvelle organisation politique sans délimitation idéologique autre qu’anticapitaliste ce que nous considérons comme l’alternative d’émancipation de notre époque. Nous considérons que le regroupement de l’écologie sociale est essentiel pour s’opposer au greenwashing et au capitalisme vert incarné par une grande partie d’EELV qui laisse croire qu’il n’y a qu’une écologie politique incarnée par l’écologie sociale-démocrate. Les jeunes générations mobilisées dans le mouvement climat ne sont ni communistes ni socialistes. Elles sont écologistes. À nous de les faire devenir des écologistes conséquents c’est-à-dire anticapitalistes.
• Fédérer les anticapitalistes dans une Maison commune constitué autour d’un programme d’urgence sociale, écologiste et démocratique : retraite à 60 ans, blocage des prix des produits de première nécessité, sécurité sociale alimentaire, réquisitions des logements vides, pas d’école et de fac à deux vitesses, travailler moins pour travailler tous, non au nucléaire civil et militaire, régularisation de touTEs les sans papierEs, abolition des lois sécuritaires et islamophobes, soutien aux luttes anti impérialistes en Afrique et à la résistance du peuple ukrainien. Ce programme d’urgence n’est pas incompatible avec un débat sur nos différences.
Cette Maison Commune ne pourra se faire qu’à plusieurs conditions :
• Respecter les identités de chaque composante organisée (communistes libertaires écologistes de rupture, marxistes révolutionnaires, antifa et autonomes…). Nous ne souhaitons pas à l’image de ce qui mine le NPA depuis sa fondation, un énième débat entre les « vrais » révolutionnaires détenteurs de la seule Croix et les réformistes congénitaux. Le temps des sectes est définitivement révolu.
• Faire que les jeunes, les racisés, les femmes, les ouvriers et les travailleurs de la première ligne soient déterminants dans le choix des campagnes, la manière de les mener, le type d’action à réaliser, le langage utilisé.
• Être efficace dans l’action unitaire et dans le choix des campagnes unitaires à engager en partant des besoins sociaux et écologiques qui unissent les classes populaires : logement, alimentation, revenu, égalité femmes hommes. Une des priorités serait la campagne anti JO pour 2024. La gentrification, la destruction d’écoles ou de jardins ouvriers en sont les premiers effets. Une autre fonction de l’action de cette Maison commune serait de renouer avec l’internationalisme. De l’Ukraine au soutien aux luttes anti-impérialistes en Afrique et dans les colonies françaises comme la Kanaky, il nous semble essentiel de renouer avec l’internationalisme notamment pour lutter contre le venin raciste antimigrants. Nos camarades de PEPS à Grenoble ont lancé depuis deux ans le mois décolonial. Pourquoi ne pas reprendre cette initiative dans d’autres villes ?
• Le niveau local nous apparait comme le plus pertinent pour fédérer les forces anticapitalistes. Cela n’exclut pas des campagnes et des initiatives nationales, bien au contraire mais elles doivent être menées à partir des territoires. Dans cette perspective le regroupement des forces anticapitalistes en lien là où c’est possible avec l’Union populaire ou la NUPES doit se faire en considérant que les élections municipales seront un moment fort de construction de la gauche écologiste radicale. En tant qu’écologistes sociaux, se revendiquant du communalisme, la construction d’un municipalisme de combat est une de nos priorités. De plus de nombreux groupes se sont constitués localement qui regroupent des dizaines de militants ne se reconnaissant pas ou plus dans les organisations existantes : Nantes en Commun, « Nous Sommes » Montpellier, Bagnolet en Commun… Cette Maison Commune doit leur être ouverte en priorité.
• Face à l’ampleur de la crise écologique, la défense des zones naturelles ne suffit plus : construisons un Front Populaire écologiste écologiste et social avec 3 stratégies complémentaires » :
- Sur le plan institutionnel en considérant que la NUPES au Parlement et dans tout le pays à travers les parlements locaux de la NUPES peut être un point d’appui institutionnel durable. Le Front Populaire Écologiste se construira dans la lutte par celles et ceux d’en bas. À cette condition, l’Assemblée nationale peut en être la caisse de résonance. Les formes de lutte extraparlementaires et institutionnelles ne sont pas contradictoires. Nous refusons de dissocier les formes et le contenu du combat à tous les niveaux : grève, blocage, désobéissance civile, autogestion de la vie communale et dans les entreprises, mais aussi élections locales et nationales. Les élections ne sont pas l’alpha et l’oméga de la stratégie du mouvement mais un moment important de politisation des classes populaires. Qu’on les boycotte ou qu’on y participe d’une manière ou d’une autre, ce sont des espaces structurants de la vie politique et sociale du pays. La politisation des classes populaires se fait dans les mobilisations sociales écologiques sans négliger le moment électoral.
- Dans la confrontation directe avec l’État pour refuser les contre-réformes à travers les grèves, les manifestations, les blocages, la désobéissance civile. Il s’agit de rapprocher les luttes intersectionnelles de l’écologie populaire. Trop souvent les luttes écoféministes, décoloniales, animalistes partent de la jeunesse issue des classes moyennes à capital culturel élevé. Dans l’intersectionnalité, la dimension classiste disparait souvent. Nous devons lui redonner une place largement égale aux questions de genre et de race et favoriser la jonction entre la révolte anti autoritaire intersectionnelle et l’écologie de survie contre toutes les dominations : féminisme, LGBTQI+, contre le patriarcat, antiraciste contre le racisme d’État, antivalidisme, animaliste, antipsychiatrie et anticarcérale, jeune (rave, libération du cannabis), révolte anti GAFA contre la dictature numérique.
- Dans la construction d’un mouvement de la contre-société. Partout nous bâtissons des alternatives au système actuel : coopératives gérées par les travailleurs/euses, cantines, épiceries populaires ou AMAP, Jardins ouvriers, Maisons du Peuple, monnaies locales, grève féministe, associations de chômeurs, ou de précaires, médias alternatifs… Cette ébauche de contre-société fondée sur l’entraide et la coopération qui ressemble à ce que le PCF construisait dans les années cinquante mais sans la verticalité stalinienne sera l’outil qui tissera des solidarités entre toutes ces initiatives, les coordonnera et leur donnera de la visibilité. Elle fournira des outils financiers, économiques, politiques et d’autodéfense pour faire croître cette société alternative.
Nous invitons les camarades intéresséEs à en débattre à nos Rencontres d’été du 20 au 24 août à Marseille.