Par Yann Cézard
Quel sera le symbole des débuts du quinquennat de François Hollande ? Sans aucun doute, Florange. Et la réaction à chaud, en direct, du syndicaliste CFDT Edouard Martin, à l’annonce de l’« accord » du gouvernement avec Mittal : « Haute trahison ».
Pourtant, Hollande n’est pas le « Flamby » dont se moquaient certains. Il n’est pas un faible, mais un cynique. C’est un joueur de flûte (« Le monde de la finance est mon adversaire »… « Le critère de toutes mes décisions sera la justice »…) et un joueur de bonto. Juillet : le collectif budgétaire annonce la « rigueur juste », et impose deux ou trois milliards d’impôts supplémentaires aux entreprises et aux riches. Novembre : le budget 2013 et le « pacte de compétitivité » en rendent le décuple aux patrons, et condamne l’immense majorité de la société à cinq ans d’austérité.
« Faible » ou « mou », son gouvernement ne l’est pas tellement, quand Valls (l’autre premier ministre) chasse les Roms sur les routes, annonce qu’il y aura « un peu plus d’expulsions de sans-papiers en 2012 qu’en 2011 », livre Aurore Martin à la police espagnole, envoie ses flics cuirassés cogner les agriculteurs et les militants de la « Zone A Défendre » de Notre-Dame-Des-Landes, « le kyste », c’est-à-dire la chienlit…
Notre-Dame-Des-Landes : autre symbole de la crapulerie de ce gouvernement, qui est en fait un vrai gouvernement de combat.
Sous leurs airs de traîtres, Hollande et les siens ont donc leur héroïsme bien à eux. Ils sont prêts à mourir (politiquement) pour la bourgeoisie, l’ordre établi, le capitalisme, y compris sous sa forme « moderne », libéralisée et financiarisée, qui depuis trente ans condamne la société au chômage de masse et fait prospérer de façon insolente les fortunes et les rentiers.
Les socialistes ne font donc vraiment plus semblant de représenter une quelconque alternative, même molle ou contradictoire, à la « solution » à la crise qu’on appelait, avant l’élection de Hollande, la « Merkozie ». Malgré les propos, risibles, de Jean-Marc Ayrault au Maroc, le13 novembre : « notre politique n’est pas sociale-libérale, elle est sociale et républicaine. (…) Mon gouvernement mène la politique la plus à gauche d’Europe. »
Notre Papandréou national, Hollande, et les socialistes participent activement à la construction d’un mur de la résignation, en se ralliant sans vergogne au programme commun de tous les capitalistes, possédants et grands partis européens : démantèlement de « l’Etat-providence », baisse des salaires, précarité généralisée pour accroître la « compétitivité », en fait l’exploitation des travailleurs du continent.
Mais dans ce mur de la crise, il peut y avoir une brèche. En Grèce, au Portugal, en Espagne, une grande partie de la population souffre, mais continue de résister. Elle n’est ni convaincue ni résignée. En France, la popularité des dirigeants socialistes s’est brutalement effondrée. Et beaucoup regardent, non vers les forcenés du « dialogue social », non vers les sénateurs du Front de gauche qui s’abstiennent sur des lois de saccage social, mais vers les sidérurgistes de Florange, et ils disent : « ils ont raison ».