Résistante, poète, journaliste, on l’appelait Rainer, Madeleine Riffaud vient de nous quitter.
De jeunes camarades de notre comité qui agissent pour dénoncer les ravages toujours actuels de « l’agent orange » déversé sur le peuple vietnamien nous ont dit, il y a peu de temps l’engagement de Madeleine Riffaud pour leur action, à près de 100 ans. Cela avait suscité admiration et envie de mieux la connaître.
Née en 1924, elle rejoint la résistance à 16 ans. Elève sage-femme à Paris, elle devient agent de liaison avec ses compagnons communistes des Francs-tireurs et partisans (FTP) de la faculté de médecine. Elle devient « Rainer », en hommage au poète autrichien Rainer Maria Rilke, pour signifier qu'elle « n'est pas en guerre contre le peuple allemand, mais contre les nazis ».
Le massacre d’Oradour-sur-Glane, le village où, enfant ,elle passait ses vacances, provoque son passage à la lutte armée. Le 23 juillet, elle abat de deux balles dans la tête un gradé nazi sur le pont de Solferino, à Paris. « Je regrette, d'ailleurs, d'avoir tué cet homme. Tu es là. Tu regardais la Seine. Est-ce qu'on peut être méchant, quand on regarde la Seine ? C'était peut-être un type bien. Mais ça... Bon, c'est la guerre », disait-elle.
Capturée par un milicien français qui la livre à la Gestapo, elle subit la torture et ne doit sa survie qu’à un échange de prisonnier dans Paris en armes et en barricades.
Avec la compagnie FTP Saint-Just, à laquelle elle participe, elle fait notamment sauter un train dans le tunnel ferroviaire du 19e arrondissement.
Après la Libération, sans nouvelle de ses amiEs déportéEs, hantée par le souvenir des geôles, elle plonge dans la dépression comme elle le raconte dans On l'appelait Rainer. Touché par sa détresse, Paul Eluard la prend sous son aile, préface son recueil de poèmes Le Poing fermé, en 1945. Il l’emmène chez Picasso qui la peint. Il lui conseille aussi de devenir journaliste.
Conseil judicieux pour celle qui débutera à Ce Soir, journal communiste dirigé par Aragon. Puis, pour L’Humanité, elle couvre la guerre en Indochine où Ho Chi Minh la reçoit comme « sa fille ». Elle part clandestinement en Algérie où elle échappe à un attentat de l’OAS (Organisation de l’armée secrète). Elle dénonce la torture pratiquée à Paris contre les militantes du FLN (Front de libération nationale). Puis elle repart au Vietnam et couvre, pendant sept ans, la guerre. À son retour, elle travaille comme aide-soignante dans un hôpital parisien et dénonce, dans Les Linges de la nuit, vendu à un million d'exemplaires, la misère de l’Assistance publique.
Aujourd’hui, la meilleure façon de lui rendre hommage n’est-il pas de rappeler ces propres paroles rapportées par Jean-David Morvan, co-auteur de la BD Madeleine, résistante (éditions Dupuis) :
« Aucune cause n’est jamais perdue sauf quand on l’abandonne. Quand j’avais 20 ans je suis entrée en résistance / On a inventé notre résistance / Personne n’était tellement là pour nous l’apprendre / Aujourd’hui je fais confiance aux jeunes pour inventer leur propre résistance/ Moi je ne suis pas un vieux mentor. Je n’ai rien à leur apporter à part cet esprit de résistance et dire, voilà, vous vivez dans un monde et s’il ne vous satisfait pas, battez-vous, changez-le »
Daniel Vaubaillon