Dans le numéro de Lutte Ouvrière du 12 avril, Georges Kaldy écrit un long article à propos de l'affaire Cahuzac, du prétendu « choc de moralisation » voulu par Hollande et de la manifestation du 5 mai. La dernière partie de l'article s’intitule « La classe ouvrière doit avoir sa politique ». Laquelle ? C'est bien là toute la discussion.Kaldy note « l'éventualité que la crise politique se transforme en crise institutionnelle. » Pour ajouter « mais la bourgeoisie en a vu d'autres… » Certes mais elle a besoin d'un pouvoir qui soit en mesure de maintenir l'ordre social nécessaire à la bonne marche des affaires. La crise politique l'affaiblit. Il ne s'agit pas de « revendiquer que l'État de la bourgeoisie soit plus propre, plus efficace », mais bien plutôt d'aider à la politisation que provoque ce cynique spectacle de politiciens menteurs prêchant l'austérité pour les autres. En effet, comme l'écrit Kaldy, « la crise politique qui est en train de s'amorcer, la déliquescence aux sommets de l'État peuvent entraîner des conséquences y compris pour la classe ouvrière. » Et il est clair que « si le Front national renforce son influence, comme c'est vraisemblable, cela représente une menace grave pour la classe ouvrière […] Faire face à ce danger, cela ne se fait pas en prétendant vouloir nettoyer les écuries d'Augias de la démocratie bourgeoise ! » Nous sommes bien d'accord et c'est pourquoi nous ne reprenons à notre compte ni la « VIe République » ni les propos de Mélenchon que cite Kaldy : « donner un coup de balai (afin de) purifier cette atmosphère politique absolument insupportable ».
La crise ouvre une brèche« Nous ne pouvons pas prévoir si la crise politique actuelle se résorbera […] ou si, au contraire, elle débouchera sur une crise institutionnelle. Mais, pour que la classe ouvrière ne soit pas à la remorque des différentes forces de la bourgeoisie, il faut qu'elle se manifeste sur le terrain politique. » Comment ? Kaldy se dérobe en affirmant que la classe ouvrière « ne se sent pas encore en position de le faire, même pour défendre ses intérêts matériels vitaux ». Mais d'ajouter « il se peut que l'histoire à venir exige de la classe ouvrière, non seulement qu'elle reprenne l'initiative à la bourgeoisie sur le terrain de ses revendications économiques, mais aussi, surtout si l'extrême droite profite des circonstances pour renforcer ses positions, sur le terrain politique ». Toute notre activité doit être sous-tendue par cette possibilité, viser à la préparer. Pour cela, il ne suffit pas de dénoncer « les marchands d'illusions » en ajoutant : « ceux qui appellent à manifester le 5 mai le sont tous, quelles que soient leurs motivations disparates ». Y compris donc le NPA que Kaldy se garde de citer !La dénonciation et l'abstention ne font pas une politique. L'intérêt des travailleurs est que les manifestations du 1er et du 5 mai soient les plus massives possible. Rester totalement indépendants et critiques parce que nous ne partageons pas les positions de Mélenchon et du PCF sur la VIe République, mais manifester ensemble parce que la manifestation du 5 va rassembler contre l’austérité gouvernementale et contre la droite, l’extrême droite : voilà notre politique pour la classe ouvrière. Elle vise à regrouper les forces contre l'austérité, à construire une opposition de gauche à ce gouvernement du Medef, et à rassembler les anticapitalistes et révolutionnaires…
Yvan Lemaitre