«C’est la faute aux organisations syndicales », voilà l’explication qui revient régulièrement au moment du bilan de chaque mobilisation sociale défaite. Et les arguments ne manquent pas : la collaboration de classe de la CFE-CGC et de la CFTC, le pseudo-radicalisme de FO, les « trahisons » de la CFDT, la stratégie du syndicalisme rassemblé de la CGT. Dans le même temps cependant, les militantEs peinent à animer des syndicats combatifs, à engager les salariéEs dans les mobilisations.Suffit-il de se lamenter sur la dégradation du rapport de forces au détriment des salariéEs ? Ou alors, faut-il chercher dans la vie des entreprises, dans les stratégies patronales des explications sur les difficultés à mobiliser la classe « ouvrière » ? Ceci a motivé la rédaction de la revue Agone pour son numéro intitulé : Réprimer et domestiquer : stratégies patronales.
A. Debregeas, à partir du travail de la Fondation Copernic (1), et H. Clément à partir de son expérience personnelle, rendent compte de l’omniprésence d’une répression patronale d’autant plus dissuasive qu’elle est le plus souvent intériorisée et vécue comme l’inévitable revers du militantisme. E. Julliard revient sur les stratégies du patronat américain qui sont largement parvenues à domestiquer des syndicats avec une politique de répression et de propagande antisyndicale (2). B. Giraud et X. Vigna en détaillent les versions françaises : des gros bras de la CFT Peugeot aux tracasseries juridiques contre les grévistes, un large éventail de manœuvres visant à diviser les salariéEs et isoler les militantEs. Mais toutE militantE d’entreprise connaît l'autre filon patronal : le syndicalisme de collaboration de classe. À partir de l’expérience du secteur du commerce, M. Benquet illustre cette politique patronale qui se déploie avec la complicité de fédérations et confédérations. Les nouvelles règles de la représentativité syndicale qui vont se déployer à partir de juin 2013 sont analysées sous cet angle par S. Béroud et K. Yon, amenés à penser « qu’elle offre davantage à la domestication des syndicats par les employeurs qu’au développement de la présence et de l’action syndicale ». L’accord dit de sauvegarde de l’emploi confirme cette analyse.
Robert Pelletier1. Fondation Copernic, Répression et discrimination syndicales, Syllepse, 20112. R. Fantasia et K. Voss, Des syndicats domestiqués, Répression patronale et résistance syndicale aux États-Unis, Raison d’agir, 2003.
Revue : Sous le dialogue social, la répression ! Agone n°50, Réprimer & domestiquer : stratégies patronales, 2013, 256 pages, 20 euros