À l’extrême gauche, c’était essentiellement les trotskistes qui avaient pris l’habitude de s’exprimer sur le sport, surtout avec la naissance du courant « Quel corps ? » lancé par Jean-Marie Brohm, qui vient encore de lancer un nouvel appel à boycotter l’Euro 2012. On ne s’attendait donc guère à voir les libertaires se frotter à un tel sujet. D’ailleurs, cet ouvrage collectif commence par deux « outing ». Donc si l’engagement partisan ne se cache pas, il faut porter au crédit de nos ultras du drapeau noir d’avoir su mener un véritable travail d’exploration historique (quitte à s’emparer de la mémoire, politiquement assez lointaine, des Olimpiada Popular de Barcelone en 1936, ou de l’aventure de Miroir du football), le tout d’une manière assez honnête, y compris en abordant les résistances passées, notamment entre les deux guerres. Mais au-delà du cas français, assez anecdotique, le plus passionnant réside dans l’ouverture à l’international, balayant pour le coup des expériences un peu plus significative, aussi bien en Amérique du Sud, aux USA ou en Angleterre (dans le sillage de la scène punk et skin antifa). Nous avons même droit à une petite visite des problématiques actuelles, telle la question des supporters, a priori la moins anarcho-compatible, via le cas du Red Star, des socios espagnols membres de la CNT, ou du Mondiali antirazzisti en Italie. Pour terminer, signalons surtout les articles consacrés à Albert Camus, puisque l’idée de l’ouvrage est parti d’un colloque sur les liens entre l’auteur de La Peste et les libertaires, pour lequel Wally Rosell, chef opérateur de ce livre, rédigea l’article qui donne son nom à cet étrange objet du désir anar pour le ballon rond.
Nicolas Kssis-Martov
Les éditions libertaires, 192 pages, 13 euros