La guerre contre l’Ukraine est une agression qui vise à renforcer la sphère d’influence russe dans le cadre de la concurrence entre États impérialistes. Le NPA, comme d’autres forces de gauche dans le monde, n’a cessé de soutenir le droit du peuple ukrainien à résister à l’invasion. En Ukraine, comme en Palestine, au Kurdistan ou ailleurs, dans des situations très différentes, nous défendons le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à la résistance, y compris armée.
Un débat traverse le NPA
La position du NPA combine la défense de la résistance, aux côtés de celles et ceux « d’en bas », avec une défiance envers la politique de Zelensky, tout en dénonçant le militarisme qui se développe dans le monde, via l’Otan en particulier. Cette position tranche avec deux autres : celles des organisations campistes qui nient le droit du peuple ukrainien à se défendre et celles qui sous-estiment la marche à la guerre dans le monde, voire attribuent un rôle « progressiste » à l’Otan ou à l’UE. Or l’Otan reste l’instrument des États-Unis, première puissance militaro-industrielle et impérialiste au monde.
Au dernier CPN, un désaccord s’est concrétisé sur la question de l’envoi d’armes et des préoccupations générées par l’escalade du conflit et de ses traductions possibles dans des économies de guerre, écocides et antisociales. Il s’agissait de savoir si le NPA doit ou non demander aux puissances impérialistes d’armer la résistance ukrainienne. Nous avons été minoritaires sur notre position qui consistait à refuser une telle demande explicite, tandis que la version majoritaire regrettait que les impérialistes n’en donnent pas davantage.
Analyser pour anticiper
Nous sommes favorables à ce que la résistance dispose d’armes, et elle les trouve où elle le peut. Ce n’est pas à nous de faire la morale à ce sujet. Nous sommes aussi pour l’annulation de la dette de l’Ukraine, ce qui revient à lui donner des moyens pour résister. Cependant, en tant qu’organisation révolutionnaire, il nous semble indispensable de regarder plus loin. L’aide de l’Otan et de l’UE à l’Ukraine s’inscrit dans une stratégie d’ingérence qui met en péril l’exercice même de son droit à l’autodétermination.
Nous défendons la résistance du peuple ukrainien, mais nous ne sommes pas neutres concernant sa nature politique et sociale, les implications de la guerre, et son rapport aux impérialistes. Dans la plupart des luttes historiques de libération nationale, la résistance n’a pas d’État et la bourgeoisie « compradore » est faible. En Ukraine, c’est différent : la bourgeoisie ukrainienne dispose d’un appareil d’État et s’inscrit, de façon subalterne, dans le dispositif impérialiste, comme le déploiement récent de soldats ukrainiens au Soudan en témoigne.
Les dynamiques qui en découlent sont donc, de la part de la classe dominante, celles de renforcer ses alliances avec les impérialistes occidentaux et de mettre en place de manière autoritaire des politiques néolibérales. Les forces étatistes, dans ce type de conflit, s’opposent aux tendances à l’auto-organisation et peuvent mettre en péril la résistance populaire. La crise de recrutement de l’armée ukrainienne est d’ailleurs un indicateur de la désillusion et de la fatigue de la population.
Aider la résistance, affaiblir tous les impérialismes
Les impérialistes produisent et livrent des armes à l’État ukrainien, pas au peuple ou à des forces auto-organisées. Cela renforce l’État et les classes dominantes ukrainiennes.
Notre orientation devrait donc affirmer un soutien « par en bas » à la résistance ukrainienne contre la Russie. Mais elle ne peut faire l’économie d’une opposition déterminée à notre propre impérialisme et nous oblige à marquer une ligne de rupture claire. Nous ne demandons pas d’armes aux gouvernements impérialistes que nous combattons. Et nous savons aussi que si la victoire de l’Ukraine ne dépend que de ces derniers, et très peu de la mobilisation populaire là-bas et ici, alors la dynamique sera à la transformation définitive de la guerre de libération nationale en conflit interimpérialiste entre le bloc occidental et la Russie.
Au-delà de la guerre en Ukraine, c’est bien la marche du monde vers un conflit militaire entre impérialistes qui se joue aujourd’hui. Dans ce cadre, nous ne choisissons pas un camp contre un autre, et ceci indépendamment de la nature des régimes politiques impliqués. La transformation vers « l’économie de guerre » en Europe, les rhétoriques guerrières des gouvernements et de leurs relais médiatiques doivent nous alerter. Elles expriment les difficultés des bourgeoisies européennes à maintenir leur domination sur le Sud global. C’est le cas notamment pour l’impérialisme français. En concurrence directe avec la Russie, notamment en Afrique, Macron avance la possibilité d’un affrontement militaire ouvert avec Poutine et tente d’entraîner ses alliés sur ce projet. Cela nécessite pour la classe dominante française de gagner des fractions importantes de la population à la guerre, de développer la discipline et le militarisme. Cela implique des tâches concrètes pour le mouvement ouvrier : contre le militarisme, contre l’embrigadement de la jeunesse, pour combattre en premier lieu notre propre impérialisme.
Antoine Larrache (Paris 20e), Sylvain Pyro (Toulouse), Hélène Marra (Lille), Thomas Rid (Toulouse), Franck G. (Toulouse)