Le 15 octobre, le mouvement des IndignéEs est né dans les consciences des peuples. Depuis le printemps, ils essaient de percer la chape de plomb médiatique dans leurs pays respectifs pour inviter leur peuple à prendre la rue. Né en Espagne en mai, le mouvement des IndignéEs s’est étendu à l’Europe toute entière pour finalement s’implanter dans tous les continents. Samedi 15 octobre, 951 villes et 82 pays étaient concernés, une contagion impressionnante d’une indignation plus que légitime. Partout, les mêmes slogans qui sonnent comme un avertissement : « En parlant d’une seule voix, nous dirons aux politiques et aux élites financières qu’ils servent qu’est venu le temps, pour nous le peuple, de décider de notre avenir ». Le peuple, lors de ces 24 heures, a réalisé le tour de force de rassembler près d’un million de personnes autour d’une même indignation.
En Europe, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à défiler sur les grandes places : 500 000 à Madrid, 400 000 à Barcelone, 100 000 à Rome (où des incidents ont éclaté, lire page 2), 50 000 à Lisbonne, 20 000 à Bruxelles, 10 000 à Berlin, 3 000 à Zagreb, plusieurs milliers à Athènes, un millier à La Haye... de quoi affoler les gouvernements, surtout lorsque le peuple se met à viser les grandes places financières, notamment la BCE de Frankfort (5 000 personnes), la City à Londres (800 personnes dont le fondateur de Wikileaks Julian Assange), ou la place financière Paradeplatz à Zurich (1 000 personnes).
La finance était en ligne de mire aussi à Johannesburg où une cinquantaine de personnes s’étaient donné rendez-vous devant la plus importante Bourse d’Afrique, ou encore à New-York où le mouvement anti Wall-Street a rassemblé un millier de manifestantEs, et à Toronto où 5 000 personnes s’étaient réunies dans le quartier financier. Le mouvement prend de l’ampleur, et ce jusque dans les rues de Tokyo ou de Santiago de Chili.
Cette « journée mondiale de la colère » contre la suprématie de la finance mondiale sur les affaires publiques s’est parfois même prolongée dimanche dans plusieurs pays, où certainEs IndignéEs espèrent installer le mouvement dans la durée. Un exercice difficile puisque celui-ci est essentiellement spontané et n’est conduit par aucune organisation politique ou mouvement social organisé. Si le mouvement a enclenché une dynamique émancipatrice en pointant du doigt les vrais responsables, il reste tout à faire puisqu’il existe, par-delà les pays, une forte disparité dans l’implication des peuples.
Si la mobilisation était très forte dans certaines villes européennes comme Madrid où un « cri muet », symbole de l’oppression, s’est figé dans une marée humaine, en France, les Indignés peinent. Le bon millier de personnes à l’hôtel de Ville de Paris est certes prometteur (surtout lorsque l’on sait qu’une bonne partie des IndignéEs avait fait le déplacement à Bruxelles) mais témoigne aussi d’un dynamisme en-deça de l’Espagne ou du Portugal. Les raisons de cet engouement limité peuvent être multiples. Il est évident que la France a été pour l’instant relativement épargnée par les plans d’austérité, campagne présidentielle oblige. L’indignation résonne en effet bien plus quand on n’a plus aucun moyen de s’en sortir. De plus, dans l’esprit de beaucoup de gens, faire bouger les choses semble inimaginable – peut-être est-ce un dommage collatéral de la mobilisation sur les retraites ? – et seule l’élection présidentielle focalise les esprits, de nombreux citoyens étant persuadés qu’en 2012 tout rentrera dans l’ordre.Les Indignés parisiens, eux, ne désarment pas puisqu’ils préparent déjà l’occupation de la Défense à partir du 4 novembre, pour maintenir la flamme de l’indignation, et ce malgré la rétention d’infos de la part des médias. Qui sait, peut-être que la désillusion finira pas mettre le feu aux poudres...
Coralie Wawrzyniak