Publié le Mardi 25 mars 2025 à 10h00.

Affaire Angelo Garand, l’impunité à l’échelle européenne

En 2017, Angelo Garand, un homme de 37 ans issu de la communauté des gens du voyage, est abattu par les gendarmes du GIGN à Seur, dans le Loir-et-Cher. La récente décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), rendue le 6 mars 2025, démontre l’alignement de cette institution avec l’État français dans le maintien de l’impunité policière.

Après huit ans de combat, la justice européenne s’est rangée du côté des forces de l’ordre, validant une fois de plus le permis de tuer dont bénéficient les forces répressives.

L’assassinat d’un homme, une légitime défense ?

La version policière des faits raconte que, le 30 mars 2017, Angelo, apparemment armé d’un couteau, aurait été tué par les forces du GIGN après avoir été interpellé. La police justifie sa réaction par un acte de légitime défense. Le GIGN, soi-disant obligé de tirer à huit reprises sur l’homme, n’aurait agi que pour « protéger sa vie », selon les rapports. Jamais dans le procès la parole de la famille n’est prise en compte. Le procureur classe alors l’affaire avec un non-lieu.

Mais une question demeure : pourquoi cette violence démesurée ? Pourquoi un homme, présumé dangereux selon les autorités, a-t-il été jugé digne de mort ? Derrière cette violence policière systémique, une vérité s’impose : Angelo, comme tant d’autres victimes de la répression policière, est une cible désignée en raison de son appartenance à une communauté marginalisée et stigmatisée : celle des gens du voyage.

Pour rappel, rien qu’à Blois, en l’espace de dix ans, la police a tué trois hommes, tous racisés, sans jamais être inquiétée par la suite.

CEDH, complice de l’État raciste

Le 6 mars 2025, huit ans après la mort d’Angelo Garand, la Cour européenne des droits de l’Homme se range définitivement du côté de l’État français et affirme qu’Angelo aurait été tué légitimement par la gendarmerie. Cette décision enterre les espoirs de la famille de voir un jour la vérité reconnue et rappelle une réalité bien ancrée : la justice, qu’elle soit nationale ou européenne, ne sert qu’à garantir l’impunité des forces répressives.

Angelo a été assassiné de cinq balles dans le corps tirées par le GIGN, alors qu’il se cachait pour éviter de retourner en prison. Encore une fois, la justice croit sur parole le récit des gendarmes sans chercher à les remettre en cause, et ce, alors même qu’ils avaient clairement modifié la scène de crime et avaient eu le temps de se concerter avant le début de l’enquête.

Angelo ne voulait simplement pas retourner en prison, après une autorisation, pour rester auprès de ses proches. Mais en France, les évadés sont tous considérés comme des dangers à abattre, encore plus lorsqu’ils sont issus de communautés racisées comme celles des gens du voyage. De simples gendarmes ne suffisaient donc pas, il fallait envoyer 15 militaires du GIGN.

Angelo se trouvait dans une pièce dotée d’une entrée unique couverte par les gendarmes. Ceux-ci auraient très bien pu le convaincre de sortir et de se rendre, mais non. Armés de leur tout nouveau droit de tuer (L. 435-1) et de leurs armes à feu, cinq gendarmes ont choisi d’eux-mêmes d’entrer dans la petite pièce sombre, se donnant ainsi une raison d’abattre Angelo à l’abri des regards.

La bataille judiciaire étant désormais perdue, il reste maintenant à mener la bataille politique pour faire changer les choses. La sœur d’Angelo, Aurélie, consciente que la mort de son frère n’est pas un cas unique, mais un parmi des centaines de meurtres racistes perpétués par la police l’a rappelé lors de la marche du 15 mars dans les rues de Blois : « Depuis huit ans, je ne suis pas dans la rue pour pleurer mes morts, mais pour alerter sur ce que l’État met en place. Quand on marche pour un, on marche pour tous ».

Radu Varl