Avec 25 % des suffrages exprimés dans les urnes aux élections européennes, le Front national se targue sans vergogne d’être « le premier parti de France »...
Affaiblie par l’ accumulation de scandales financiers et une vacance provisoire de sa direction, l’UMP est reléguée loin derrière tandis que le Parti socialiste, rongé par une baisse vertigineuse de sa crédibilité au sein des couches populaires, fait son plus mauvais score depuis fort longtemps. La « gauche de la gauche », toutes tendances confondues est réduite quant à elle au seuil de figurante. Ce climat particulièrement délétère explique sans doute la faiblesse des mobilisations qui ont suivi la défaite électorale du 25 mai. Toutes proportions gardées – on ne peut comparer l’élection présidentielle à celle du parlement européen – une question se pose tout de même : où sont passés les centaines milliers de manifestantEs qui surent se mobiliser pour faire barrage à Le Pen dans l’entre-deux tours de la présidentielle de 2002 ? La crise d’identité de la « gauche », les repaires idéologiques qui donnaient un sens collectif partagé massivement par des millions de personnes (antiracisme, égalité des droits, rejet du fascisme) auraient-ils progressivement disparu, laminés par les succès de la « dédiabolisation » engagée il y a plusieurs années par Marine Le Pen ? Il y eu bien eu jeudi 29 mai quelques manifestations et rassemblements à Paris et dans quelques villes – et nous ne pouvons que les saluer – mais ils n’ont réuni tout au plus qu’une dizaine de milliers de personnes, souvent sur des mots d’ordre confus, sinon contradictoires, où se côtoyaient drapeaux tricolores ou européens et drapeaux des organisations politiques et syndicales (jeunesses communistes très présentes à la manifestation parisienne, NPA, Front de gauche, Solidaires, CGT...).
Reconstruire un mouvement antifascistePour mesurer l’ampleur du travail de reconstruction d’un mouvement antifasciste conséquent et d’ampleur nationale, il faut lucidement partir de cette réalité. La nier ou chercher des raccourcis constitueraient une erreur aussi tragique que celle qui a été la notre et des forces progressistes en général d’avoir pendant si longtemps laissé le champs libre à l’extrême droite. Le pire n’est jamais certain et la bourgeoisie aujourd’hui n’a nulle besoin de la mise en place d’un régime autoritaire et fascisant pour imposer à la classe ouvrière sa politique de régression sociale et la répression de celles et ceux qui s’y opposent. Mais à défaut de prétendre au pouvoir, l’extrême droite et le F Haine ont acquis un pouvoir de nuisance en s’imposant comme pivot dans le débat politique, et en exerçant une pression idéologique qui pousse le curseur toujours un peu plus à droite. Mobiliser le plus largement possible contre l’extrême droite et les bandes fascistes est une priorité. Les échéances ne manqueront pas dans les jours et les mois qui viennent : assises de la Coordination nationale contre l’extrême droite (CONEX) à la fin du mois, préparation d’une grande manifestation nationale à Lyon à l’occasion de la tenue du congrès du FN en novembre... Ce samedi 7 juin, nous rendons hommage à la mémoire de Clément Méric assassiné par des fascistes il y a un an. Pas moins de 27 appels à des manifestations ont été recensés à ce jour. « Ni oubli ni pardon ! » : nous y exprimerons notre colère et notre haine du fascisme... Et nous continuerons à amplifier le combat contre la peste brune, qu’elle prenne la forme violente de groupuscules paramilitaires ou celle moins sulfureuse de notables BCBG...
Alain Pojolat