Le 7 octobre 2010, au faîte du mouvement contre la réforme des retraites, plusieurs centaines de grévistes sans papiers investissaient un lieu à l’histoire symbolique, marquée par les vicissitudes du siècle passé (voir Tout est à nous ! La Revue n°17) : le Palais de la porte Dorée, abritant depuis 2007 la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI). Dans le cadre de l’Acte II de la grève des sans- papiers, après un été d’une langueur toute bureaucratique, il s’agissait de forcer le gouvernement à respecter ses engagements, matérialisés dans les « accords du 18 juin », eux-mêmes obtenus à la suite de la mémorable occupation des marches de l’opéra Bastille. Au vu de la dureté et de la longueur de la lutte, l’importance de ces accords tenait plus à leur existence même qu’à leur contenu, officiel et officieux. Ils matérialisaient un recul symbolique de l’État raciste. Le 3 novembre, ces accords ont été confirmés et ajustés, en particulier quant au sort des grévistes. Dès lors, l’occupation s’est trouvée en sursis. Le 30 novembre, la CNHI est fermée au public. Le 10 décembre, un protocole signé avec sa direction mettait fin, de fait, à l’occupation : accès limité de 10 à 19 heures, sans visibilité. Enfin, ce 28 janvier au matin, c’est le lock-out. Les grévistes trouvent portes closes et bien gardées. Quelques bousculades, un court sit-in, les quelques dizaines de sans-papiers restant se dispersent vers 18 heures. La direction justifie le recours aux képis dans un communiqué tendancieux à l’égard des personnels et insultant pour les grévistes. En substance, la CNHI dit : « les noirs, ils sont sales et bruyants, malpolis et violents ». La préfecture de police quant à elle, se fend d’un communiqué où l’affichage publicitaire le dispute à la provocation et au confusionnisme. Sur la base exclusive de chiffres étalés de manière sèchement comptable, la préfecture n’évoque même pas son intervention policière, prétendument requise par la direction de la CNHI. Tête haute, mains propres, elle se fait cynique et probe arbitre d’un conflit dont elle est tout sauf un spectateur. En substance, la préfecture dit : « nous, on fait le boulot, dans la rue et derrière le guichet, c’est pas nous les méchants, les dossiers avancent ». Cette occupation, lancée sous la contrainte de la base alors que le mouvement se mourait au sortir de l’été, a reçu un accueil excellent tant des personnels et syndicats que du public. Mais son organisation et son résultat révèlent, une fois encore, les limites d’un mouvement pourtant historique. L’intransigeance exceptionnelle de l’État n’explique pas tout. Aujourd’hui, les « accords du 18 juin » confirmés le 3 novembre ne sont toujours pas suivis d’effet. Ainsi la cascade infernale : 6 800 cartes de grévistes, 4 000 dossiers déposés, 900 récépissés délivrés sans aucune homogénéité préfectorale, moins d’une centaine de régularisations effectives. Le mouvement doit forcer l’État à tenir parole. Sylvain, Paris 20e