Questions à Roland Diagne, porte-parole du Comité des sans-papiers du Nord (voir article dans le Tout est à nous ! n°175). Précisons que cette interview a été réalisée avant l'expulsion de deux grévistes ce dimanche 30 décembre (voir ci-dessous).Pourquoi cette grève de la faim des sans-papiers à Lille ?Elle résulte de la volonté du gouvernement de droite de Sarkozy d'en finir avec le mouvement des sans-papiers par une politique arbitraire et répressive. Et la continuation de cette politique avec le mutisme de la préfecture et du nouveau gouvernement sur une revendication simple : le droit à la défense argumentée de leur dossier par les sans-papiers tous les mois en préfecture.Ce droit à la défense argumentée des dossiers existait donc avant 2007, sous les gouvernements de droite ?Oui, à peine élu en 2007, Sarkozy a nommé un super préfet dans le Nord, Daniel Canépa, pour en finir avec ce qu'il appelait « l'exception lilloise » : l'accord Delarue, médiateur nommé par Raffarin pour sortir d'une grève de la faim en 2004. Cet accord permettait à chaque sans-papier de constituer son dossier en faisant jouer aux associations et au comité des sans-papiers le rôle de contre-pouvoir, en montrant les erreurs administratives et en permettant de les rectifier. Dans le cadre de lois sur l'immigration que nous dénonçons et combattons, cet accord « renforçait » les droits des sans-papiers.Vous réclamez donc du nouveau gouvernement qu'il rétablisse ces droits ?Hollande a dit trois choses dans sa campagne à propos des sans-papiers : pas de régularisation massive, études au cas par cas et réparation de la politique injuste de Sarkozy. Cette grève pose clairement la question de la réparation des injustices, Hollande a bafoué son engagement. Il a fallu 50 jours de grève de la faim pour que cette revendication simple soit entendue, le préfet et le ministre doivent maintenant reconnaître la grève de la faim qui a été nécessaire pour y parvenir et régulariser les grévistes.Où en est-on sur la régularisation des grévistes ?La stratégie du pouvoir a été de nier la grève de la faim et de ne traiter les dossiers des grévistes que par la circulaire Valls, qui était censée aider à réparer la politique de Sarkozy. Mais les réponses du préfet sur les 53 premiers dossiers de la liste déposée par le CSP montrent le non-dit de cette circulaire : les critères annoncés pour la régularisation sont cumulatifs. Au final c'est l'administration qui décide à la tête du client. Celui qui répond aux critères du contrat de travail, on lui demande des fiches de paie en plus. Celui qui peut prouver 5 ans de présence sur le territoire, on lui répond qu'il a encore sa femme ou des enfants au pays, etc. Sans parler des questions qui ne sont même pas abordées comme le droit d'asile.La circulaire Valls empêche une issue positive à la grève de la faim ?La circulaire Valls précise qu'en cas exceptionnel humanitaire ou sanitaire, le préfet peut décider de régulariser au-delà des critères fixés. Le préfet nous dit que la grève de la faim n'est pas un cas exceptionnel mais un acte volontaire pour faire pression. C'est oublier qu'au départ c'est le refus de répondre à une revendication simple qui a provoqué la grève de la faim. Puis c'est le choix des autorités de nier et vaincre la grève de la faim qui a créé ce cas exceptionnel humanitaire. On est bien loin des promesses de réparation de Hollande mais plutôt dans la punition : vous avez osé revendiquer, je vous punis.Propos recueillis par Jan PauwelsValls, digne héritier d'HortefeuxDimanche 30 décembre, au 59e jour de grève de la faim des sans-papiers à Lille, Ahmed B. et Azzedine B., deux grévistes placés en centre de rétention depuis l'évacuation policière d'une église le 21 décembre, ont été expulsés vers l'Algérie.Le 28 décembre, un communiqué du préfet invitait pourtant les « personnes étrangères en situation irrégulière participant au mouvement du CSP 59 qui ne l’auraient pas encore fait, à venir en préfecture déposer un dossier » et indiquait « qu’aucune procédure d’éloignement ne sera engagée à l’encontre d’une personne étrangère ayant déposé une demande de titre de séjour dans ce cadre et ce jusqu’à la fin de l’instruction de son dossier ».On savait qu'après avoir viré Sarkozy, il faudrait virer sa politique. On sait maintenant qu'il faudra combattre les mêmes méthodes puisque c'est exactement ainsi qu'avait procédé Brice Hortefeux, cinq ans avant Manuel Valls… J.P.