Un texte précisant les critères de régularisation des travailleurs sans papiers devrait être publié le 18 juin. Il pourrait conduire à une issue positive.Depuis le 27 mai, les travailleurs sans papiers en grève ont occupé les marches, puis l’esplanade devant l’opéra Bastille. Des centaines de grévistes se relaient jour et nuit. Militants, personnalités politiques et du monde du spectacle viennent chaque jour apporter leur soutien. Après huit mois d’une grève commencée le 12 octobre 2009, les sans-papiers qui jusque-là occupaient divers lieux (locaux de leur entreprise, agences d’intérim, chantiers, etc.), dont ils ont été peu à peu expulsés, se rassemblent donc en un même lieu, rapidement appelé « piquet des piquets ».
Les organisations qui dirigent ce mouvement, rassemblées au sein d’un « groupe des onze » comprenant syndicats et associations, se sont orientées vers une démarche commune : elles ont convaincu un certain nombre de responsables patronaux de demander ensemble la régularisation des travailleurs sans papiers. Cette démarche, qui a pu sembler incongrue à certains militants, d’autant plus que le nombre de signataires patronaux fut assez modeste, paraît tout de même aujourd’hui porter ses fruits. D’après le compte rendu fait par les négociateurs, les contacts du groupe des onze avec les ministères de l’Immigration et du Travail sont en passe d’aboutir à un texte qui devrait être publié le 18 juin. Il précisera les conditions dans lesquelles les travailleurs sans papiers pourront être régularisés. Nous ne sommes certes pas dans le cadre d’une régularisation de l’ensemble des sans-papiers, mais la lutte et la détermination de plus de 6 000 d’entre eux durant huit mois pourraient permettre d’arracher de nombreuses régularisations. À la veille de la publication de ce texte, examinons les enjeux. La première des questions est de savoir quel sera le statut de ce texte. S’il est opposable (type circulaire), cela créera du droit pour tous et sur l’ensemble du territoire. Chacun, s’il remplit un certain nombre de critères, pourra bénéficier de ce dispositif de régularisation et pas seulement ceux présents sur une liste ou défendus par telle ou telle organisation syndicale. Il est également primordial de savoir combien de temps le texte restera en vigueur et, par conséquent, combien de travailleurs pourront déposer une demande. En effet, en 1997, lors de la publication de la circulaire Chevènement, les sans-papiers ne disposaient que de quatre mois pour déposer leurs dossiers. Les conditions de régularisation « favorables » contenues dans cette circulaire disparaissaient après ce délai. Combien de temps faut-il avoir travaillé au cours des dernières années pour entrer dans cette procédure ? L’enjeu n’est pas mince car bien souvent les travailleurs concernés sont utilisés comme une variable d’ajustement par les employeurs et il leur est difficile de travailler de façon continue. Si, comme les premiers échos l’indiquent, le fait d’avoir travaillé 12 mois au cours des 24 derniers mois était retenu comme critère, et que les 8 mois de grève étaient comptabilisés comme mois de travail, cela permettrait d’inclure un grand nombre de ces travailleurs. Les mesures concernant les intérimaires semblent aller dans le même sens. D’autres questions restent en suspens : comment les travailleurs et travailleuses à temps partiel ou au noir seront-ils traités ?
Aujourd’hui, la détermination des grévistes et les mobilisations autour d’eux permettent d’envisager une issue positive à ces négociations et peut-être, osons le mot, une victoire. Les grévistes appellent plus que jamais à soutenir leur mouvement place de la Bastille, place qui pourrait bien avoir un air de fête dans quelques jours. Pierre Baton