Jeudi 20 septembre un rassemblement avait lieu devant le théâtre de la Commune d’Aubervilliers pour soutenir la dizaine de salariéEs (sur les 18 permanentEs hors direction) dans leur premier jour de grève reconductible.
Les salariéEs protestent contre leurs conditions de travail indignes, violentes et pathogènes. La directrice, Marie-José Malis (« MJM »), défend quant à elle sa politique de management au nom du caractère militant de son projet artistique : « Cette grève n’a pas été votée. Nous sommes fatigués des mensonges et du travail de sape. [Signé :] Les salariés restés au travail dans ce lieu innovant, fiers de la beauté de son projet », lisait-on sur une banderole le long du théâtre, enlevée depuis, à la demande de la mairie. On retrouve là la phraséologie de toutes les entreprises qui reprochent à celles et ceux qui défendent leurs conditions de travail d’être rétrogrades et de refuser l’innovation.
Contre la grève : la directrice et… Alain Badiou
Rien d’étonnant ? Sauf que derrière cette banderole, il y a la directrice, Marie-José Malis… et Alain Badiou, un de ses partenaires privilégiés. MJM est une femme de gauche, metteuse en scène et dramaturge engagée, militante, qui n’est pas « du côté du capital » (ouf !) comme nous l’a dit un des signataires de la banderole. Quant à Alain Badiou, ce gauchiste invétéré, celui qui a pu écrire, par exemple, que « le capitalisme appartient à la culture du néolithique », ou qu’il fallait en finir avec la « dictature de la majorité », il n’a pas assez de mots pour dire l’illégitimité de cette grève et dénoncer son caractère minoritaire.
Un des salariéEs, resté fièrement en poste, nous a expliqué que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît : MJM voudrait porter un « projet » qui est novateur, progressiste, émancipateur, et qui vise à faire sortir le théâtre de sa tour d’ivoire, pour aller à la rencontre des publics et des populations, accueillir les migrantEs, etc. Or, comme elle est de gauche, elle n’a pas viré tout le monde en arrivant. Elle a tenté de convaincre les salariéEs de son projet. Celles et ceux qui avaient des réticences sont partis en rupture conventionnelle (12 en 4 ans, on commence à serrer les dents…). Quant à celles et ceux qui restent et qui font grève : des réacs qui ne sont pas prêts au menu sacrifice de « leurs habitudes » pour la Culture.
Une grève illégitime ?
Imaginons un instant que Badiou et MJM aient raison, que cette grève soit illégitime voire réactionnaire. Alors pourquoi ne pas accepter l’audit sur les conditions de travail réclamé par les déléguéEs du personnel depuis plusieurs mois ? Pourquoi ne pas organiser un débat public ? Pourquoi payer – avec le budget du théâtre – un huissier pour inspecter le rassemblement ? Pourquoi avoir refusé d’ouvrir des négociations suite au préavis ? Et surtout, n’y a-t-il pas d’autres moyens de convaincre de leur projet qu’en se faisant le relais de gauche des attaques contre le droit de grève ?
Les 12 ruptures conventionnelles, les quatre suppressions de postes, les très nombreux congés maladie, et les 10 grévistes aujourd’hui, rendent impossible d’imaginer que cette grève puisse être infondée, et qu’il n’y ait pas un réel problème de conditions de travail. D’autant que MJM ne recule devant rien : intimidations et menaces de licenciement, voilà ce qui attend les salariéEs qui défendent leurs droits. Quant au « projet » en lui-même, une enseignante d’Aubervilliers a pris la parole jeudi soir pour dire comment les dispositifs pour emmener les élèves au théâtre s’étaient affaiblis depuis quatre ans… En effet, les choses semblent bien complexes !
Nous appelons au soutien des salariéEs en lutte de la Commune. Consultez, aimez, partagez leur page Facebook : Salariés du théâtre de la Commune en lutte.
Commission culture