Publié le Lundi 2 mars 2009 à 14h34.

AZF : un procès pour faire payer Total ?

L'usine AZF a explosé le 21 septembre 2001 à Toulouse. Cette explosion aura causé la mort de 31 personnes, blessés et sinistrés plusieurs milliers de riverains comme des travailleurs de l'usine.

Les pertes d'emplois se chiffrent également par centaines, dans la chimie comme dans les entreprises victimes de l'explosion. Cette explosion aura été également marquée par un mouvement social probablement exceptionnelle en France par sa durée mais aussi par les déchirures occasionnées dans la Toulouse populaire.

Le choix fait par l'équipe syndicale CGT d'AZF dès les jours qui ont suivi l'explosion, aura été déterminant pour la suite de ce drame. En effet, en menant toute leur activité autour de la reprise de l'activité, cette équipe syndicale se heurtera aux associations de riverains et à la quasi-totalité des autres travailleurs de l'agglomération toulousaine. On peut comprendre qu'une telle catastrophe produit un profond bouleversement dans les relations humaines dans un collectif de travail. Mais les travers de ce qu'il faut bien qualifier de collaboration de classe se trouvait probablement déjà présents dans les relations patronat/syndicat avant l'explosion. Soumis à une multitude de plans sociaux, pressés par une sous-traitance toujours plus envahissante, par une recherche du profit de l'actionnaire-roi, par un débat sur les questions écologiques et de sécurité des populations de plus en plus présente, les syndicats de cette usine cultivait un sentiment de forteresse assiégée qui ressortira après le drame du 21 septembre.

Total l'aura très vite compris et accompagnera cette dérive. Ils pousseront le cynisme jusqu'à faire croire qu'ils étaient pour une réouverture. En réalité, jamais Total ne déposera de dossier de réouverture, trop content de se débarrasser d'une activité trop peu rentable. Seule la CGT d'AZF n'aura pas vu cette évidence. De leur côté, la fédération de la chimie CGT, comme l'union départementale tangueront, coincées entre le syndicat AZF, les autres travailleurs des entreprises riveraines, la sauvegarde de l'emploi. Mais ces instances ne passeront jamais de l'autre côté de la barrière et leurs prises de positions évolueront positivement dans le temps.

De leur côté, les associations de défense des victimes ont abattu un travail considérable. Des batailles immédiates pour la reconnaissance des victimes, pour faire payer Total jusqu'au dernier centime, pour exiger des usines sûres. Nous étions de leur côté. Mais elles échoueront, et nous avec, sur un terrain : unifier toutes les victimes du dedans et du dehors de l'usine autour de mots d'ordre permettant la reconversion d'AZF en production utile, respectueuse de l'environnement et surtout en garantissant le maintien de l'emploi. Cet échec doit éclairer sur les difficultés de dialogue, de compréhension d'intérêts communs entre les travailleurs de ces usines et les riverains.

Le procès

Un des enjeux majeurs de ce procès était de mettre sur le banc des accusés Total. Une première victoire avait été obtenue pendant l'instruction : AZF, personne morale avait été mise en examen et les lampistes avait bénéficié de non-lieux. L'ouverture du procès aura été l'occasion pour que le tribunal mette la maison mère, le sacro-saint groupe Total, sur le devant de la scène judiciaire. Cette première victoire, qui ne présage pas forcément d'une condamnation, permet de remettre en cause juridiquement le vrai donneur d'ordre dans des montages capitalistes souvent complexes où la maison-mère est couverte grâce aux paravents que sont les filiales et les sous-traitants.

Malgré cette mise en accusation de Total, il restera un grand absent. C'est l'État Il était censé protéger les populations et les travailleurs grâce au contrôle de la DRIRE. Alors que manifestement des négligences graves, voire des fautes ont été commises, aucune autorité de l'État ne se retrouve accusé de la moindre faute, rendant ainsi un spectacle affligeant. Celui de hauts responsables, jamais coupables de la moindre faute, mais par contre toujours chargés de notre « sécurité ».

L'autre enjeu reste l'explication finale de l'origine de l'explosion. Pour comprendre les raisons qui ont amené, 7 ans et demi après le 21 septembre, à rendre floue la compréhension d'un phénomène de cette ampleur, il vaut mieux faire un tour du côté de la politique plutôt que de la chimie.

Total a un intérêt majeur. Après l'explosion de la Mède, la pollution de l'Erika, l'exploitation des travailleurs forcés en Birmanie, n'en déplaise à M. Kouchner1,ce mastodonte a une image détestable de pollueur et de pilleur. Il avait aussi un intérêt financier. S'il avait réussi à prouver qu'un tiers était responsable de l'explosion, alors il pouvait espérer échapper aux indemnisations qui lui auront coûté la bagatelle de 1,9 milliards d'euros.

Alors, ils ont semé le trouble, à coup de millions pour des enquêtes bidons, en favorisant toutes les thèses mêmes les plus farfelues, en surfant sur le psychose collective liée aux attentats du 11 septembre. Certaines associations de victimes parlent même d'entrave à l'enquête.

Responsable de l'explosion, ils sont aussi responsables d'une campagne fort bien relayée par une partie de la presse et des responsables syndicaux. Cette campagne a permis de rendre très floue une question pourtant évidente. Si l'étincelle est difficile à trouver, les causes sont elles évidentes. L'usine AZF a explosé à cause de négligence graves dans l'entrepôt 221, de la perte de la notion de sécurité par le recours massif à la sous-traitance, par une gestion des stocks de déchets d'amonitrate guidée par une recherche de profit.

N'en déplaise à Total, nous pensons que les morts et toutes les victimes sont à mettre sur le compte de sa politique.