Les récentes décisions de l’Allemagne et de l’État espagnol ont mis sur le devant de la scène, à une échelle jusqu’alors inconnue, la question de la gratuité des transports en commun, alors que la gratuité totale des trains, bus et tramways qui existe au Luxembourg depuis 2020 était jusqu’alors restée confidentielle.
C’est principalement pour lutter contre les effets de l’inflation que le gouvernement socialiste de l’État espagnol a rendu les trains régionaux et de banlieue gratuits pour les quatre derniers mois de 2022, une mesure qui concerne les grandes villes. La décision allemande d’un pass transports à 9 euros pour tous les transports en commun à l’exclusion des trains grandes lignes était plus centrée sur les questions environnementales. Si ce n’est pas la gratuité, c’est une avancée considérable, qui a eu un succès énorme, 52 millions de pass vendus en Allemagne, en plus des 10 millions d’abonnéEs habituels. Le bilan est sans appel : une économie de 1,8 million de tonnes de CO2, la diminution de la pollution de l’air de 6 %, moins de bouchons routiers dans la plupart des villes, et une utilisation plus importante des transports collectifs dans les territoires à faible revenus. Le débat est ouvert pour rendre la mesure permanente.
La gratuité, ça marche
En France une quarantaine de villes ont d’ores et déjà instauré la gratuité. La dernière en date est Morlaix. D’autres l’ont mise en place les week-ends, comme à Nantes, avec une fréquentation en hausse de 15 %. Montpellier, qui prévoit la gratuité totale en 2023 pour concilier pouvoir d’achat et décarbonation des transports, l’a également initiée le week-end et l’étend à diverses catégories. Comme toujours, les mesures de tarification sociale ont une limite, elles ne s’appliquent qu’à celles et ceux qui font les démarches (50 % des concernéEs). Malgré cela, les déplacements des jeunes de moins de 18 ans ont augmenté de 70 % à Montpellier. Partout, le bilan est le même : lorsque l’offre de transports est adaptée aux besoins de la population et que la gratuité est mise en place, la fréquentation augmente, jusqu’à doubler en quelques années.
Le débat s’invite dans les agglomérations les plus polluées aux particules fines et autres gaz toxiques, concernées par les zones à faible émission (ZFE) instaurées par la loi mobilités de 2018. Les véhicules les plus anciens en sont exclus, ce qui limite les contraintes à celles et ceux qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule, qui sont rejetés loin de leur lieu de travail et des centres-villes par le montant des loyers. La mesure est non seulement discriminatoire et injuste socialement, mais elle est aussi inefficace. Les aides gouvernementales et locales pour acheter des véhicules « propres » sont catastrophiques pour le réchauffement climatique : entre le bilan carbone de la destruction d’un véhicule ancien et la construction d’un véhicule neuf, pour avoir un bilan carbone positif, il faut rouler… 300 000 km. Sans compter que les véhicules électriques polluent aussi, plus de 40 % des particules fines émises par les véhicules provenant de l’usure des pneus et des freins.
Là encore, la seule solution efficace, c’est le développement de transports en commun au travers d’investissements massifs, pour qu’ils soient rapides, de qualité, accessibles et bien raccordés aux autres mobilités. Et, bien sûr, totalement gratuits. C’est la seule manière pour répondre efficacement aux défis sociaux, climatiques et sanitaires. Aujourd’hui, et vite !