À partir du livre-enquête de Marie-Monique Robin, Arte diffuse le documentaire "Notre poison quotidien", sur les dangers des pesticides et produits chimiques que nous consommons chaque jour, pour le plus grand profit de l’industrie agro-alimentaire. Tous les jours, nous absorbons du poison. Malheureusement, cette phrase n’est pas une métaphore puisqu’aujourd’hui, en consommant fruits, légumes, céréales et viande issus de la machine agro-industrielle, nous nous exposons quotidiennement à des produits chimiques qui sont loin d’être sans danger pour notre santé. La journaliste Marie-Monique Robin, après avoir publié Le Monde selon Monsanto, se penche sur cette question centrale de la qualité de nos aliments dans son enquête intitulée Notre poison quotidien. Quels impacts peuvent donc avoir ces produits toxiques pulvérisés sur nos fruits et légumes ? On vous dira évidemment qu’il n’y en a pas grâce aux contrôles et à la législation en vigueur qui sont censés garantir des doses minimes... La dose. C’est donc ça la question. Si nous n’ingérons qu’une petite quantité, nous ne risquons rien. En rester là revient bien sûr à nier la dangerosité des produits et ce ne sont pas les exploitants agricoles, premières victimes des pesticides et insecticides, qui vous diront le contraire. Atteints de cancers, de leucémies, les agriculteurs commencent à parler après avoir bataillé pour que leur maladies soient considérées comme professionnelles par la Mutualité sociale agricole (MSA).
Silence et connivenceSi l’on y regarde de plus près et que l’on s’intéresse à la dangerosité des pesticides par exemple, on comprend très vite le problème. Le silence. Les fabriquants communiquent peu, c’est le moins que l’on puisse dire. Et lorsque Marie-Monique Robin s’intéresse aux études sur certains insecticides, elle se heurte toujours à des données « non publiées », couvertes par la « protection des données » et dont elle obtient, au mieux, de larges résumés. Quand on sait que les décisions de l’OMS sont basées sur des études confidentielles fournies par les industriels, et que l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) emploie des experts également salariés dans des entreprises utilisant des produits chimiques, on comprend mieux pourquoi si peu de produits chimiques commercialisés ont été testés... La journaliste ne se prive donc pas de dénoncer les conflits d’intérêts et les contradictions au sein de ces institutions de contrôle et de réglementation. Mais elle va plus loin en s’intéressant à des produits chimiques qui envahissent notre quotidien, à savoir l’aspartame et le bisphénol A. Concernant l’aspartame, deux études auraient dû alerter les agences réglementaires nationales puisqu’elles révèlent que, ingérée toute la vie à petite dose, l’aspartame cause chez les rats des lymphomes, des leucémies et des tumeurs, d’autant plus si les rats sont exposés à l’aspartame pendant leur vie fœtale. De quoi faire au moins naître un principe de précaution pour les enfants et les femmes enceintes. Et pourtant... Rien. Il en va de même avec le bisphénol A puisque les agences de contrôle s’accrochent toujours à la dose journalière acceptable de 0,05 mg/kg, alors que des centaines d’études montrent que le bisphénol A a des effets à des doses bien inférieures. Effets qui bien sûr sont minimisés et non pris en compte. Ce documentaire de Marie-Monique Robin est un pavé dans le petit monde de l’agro-industrie parce qu’il souligne très clairement que certains nous font prendre des risques. Au nom du progrès industriel, on accepte de s’exposer, d’une manière plus ou moins lucide, à toute sorte de produits nocifs. Peut-être ne serons-nous pas touchés directement. Peut-être pas. Peut-être aussi que les maladies dont nous souffrons sont déjà liées à certains de ces produits. Le bisphénol A pourrait être la cause d’une partie des cancers du sein ou des pubertés précoces, de l’obésité et du diabète... Mais quand aurons-nous la possibilité de vérifier ces liens de causalité ? Le secret reste bien gardé mais de plus en plus de personnes cherchent des réponses. En attendant, il ne nous reste qu’à promouvoir une agriculture bio, favoriser les Amap et les associations qui vont dans le sens de la protection des consommateurs pour que chacun puisse reprendre le contrôle de ce qu’il trouve dans son assiette. Il est urgent de faire la lumière sur ces études toxicologiques et de rompre les liens entre les experts de réglementation et les entreprises qui utilisent ces produits. C’est une question de réelle indépendance. Et à ceux qui nous souffleront que la seule solution est l’agro-industrie, rétorquons que l’agro-écologie elle aussi permet de doubler les rendements tout en réduisant l’impact de l’agriculture sur le climat. Quant aux pesticides, il s’avère que si l’on interdisait de tels produits, nous économiserions près de 30 milliards d’euros par an. En effet, la pollution de l’eau, les maladies des agriculteurs et la détérioration des sols ont elles aussi un coût ! Prendrons-nous le temps d’explorer sérieusement ces alternatives ? Notre santé en aurait pourtant bien besoin.
Coralie WawrzyniakRediffusion du documentaire Notre poison quotidien le 26 mars à 14 h 30 sur Arte.