Le 21 décembre, EDF annonçait « un évènement historique pour toute la filière nucléaire » : le réacteur EPR de Flamanville « produit ses premiers électrons sur le réseau électrique national ». Mais dans les faits, il consomme plus qu’il ne produit.
En début d’essais, avec des phases d’arrêt et de redémarrage, rien d’anormal. Mais les anomalies de fonctionnement s’enchaînent. À ce stade du programme, l’EPR devrait pouvoir atteindre 25 % de sa puissance et non 3 % comme c’est le cas… quand il fonctionne 1. Car depuis le 24 janvier, il est à nouveau à l’arrêt au moins jusqu’au 2 février. Et même à l’arrêt, il pompe en continu autant d’électricité que 70 000 radiateurs de 1 000 W. Subissant le forcing de Macron pour le « nouveau nucléaire », EDF a mis en place le système ONE Fla3 pour « faciliter la transition vers l’exploitation ».
Le personnel du site frôle le burn-out, pris en étau entre les injonctions de la hiérarchie et les difficultés techniques. Des vibrations dues à une mauvaise conception de la cuve (l’énorme cocotte-minute qui contient le cœur du réacteur) perturbent le fonctionnement. L’acier de la cuve étant par ailleurs défectueux, les ingénieurs doutent que l’EPR puisse fonctionner un jour à pleine puissance2. Pour rompre la loi du silence, la CRIIRAD, organisme indépendant, a demandé des éclaircissements à l’Autorité de sûreté (ASNR)3.
Fiasco industriel et banqueroute économique
La Cour des comptes4 affirme que l’EPR sera déficitaire, avec un coût revu à la hausse : 23,7 milliards d’euros (7 fois le coût initial et 12 ans de retard). Quant aux trois paires de réacteurs EPR2 (à Penly, Gravelines et au Bugey), leur coût pourrait « dépasser les 100 milliards d’euros », soit 250 milliards au total pour les 14 EPR2 rêvés par Macron. Pour éviter la faillite d’EDF, sa branche nucléaire a été étatisée en juin 2023 ; ces projets fous ne peuvent qu’aggraver la politique d’austérité du gouvernement Bayrou.
Encore au stade de projet, la mise en service de la première paire d’EPR2 a été repoussée à 2044. Sans budget de l’État, EDF a différé les travaux préparatoires sur les trois sites. Dans le contexte de désindustrialisation du pays, la direction EDF est la première à douter de la viabilité des objectifs macronistes.
Écosocialisme ou barbarie
Imposer à marche forcée une énergie dangereuse, qui plus est fiasco industriel, ne s’explique que par une politique entièrement au service du conglomérat nucléaro-industriel. Les groupes capitalistes de la filière se gavent de fonds publics au mépris des besoins réels de la population, en faisant fi de tout débat démocratique.
Pétrolière à la Trump ou nucléaire à la Macron, leur politique énergétique correspond au modèle de société qu’ils défendent, prédatrice et inégalitaire. L’obsession de croissance sans fin du capitalisme nous conduit à une catastrophe sociale et écologique sans précédent. Le dogme extractiviste lié aux énergies fossiles ou fissiles doit céder la place au principe de sobriété-efficacité et aux énergies renouvelables. Se donner les moyens de lutte pour cette alternative écosocialiste sera au cœur des prochaines mobilisations, notamment Les Résistantes 2025, début août en Normandie.
Commission nationale écologie