Le 8 septembre, sept militants anti-missiles étaient entendus par le tribunal de police de Mont-de-Marsan (Landes), pour avoir pénétré, avec 43 autres, le Centre d’essai de lancement de missiles de Biscarrosse. Délibéré le 3 novembre. Que s’est-il passé le 1er décembre 2009 à Biscarosse ?Ce jour-là, s’est ouvert un créneau pour permettre le quatrième tir d’essai du nouveau missile nucléaire d’attaque français, le M51. Premier tir en conditions réelles depuis le sous-marin lanceur d’engins (SNLE) « Le Terrible », en baie d’Audierne, supervisé par le Centre d’essai de lancement de missiles (CELM) de Biscarrosse. Le collectif « Non au missile M51 » a alors pris la décision d’agir sur les instruments de mesure du CELM en occupant un poste radar. Le tir a finalement eu lieu le 27 janvier 2010.Vous accusez l’État et le complexe militaro-industriel d’illégalité ? Le renouvellement et la modernisation de l’arsenal nucléaire français sont contraires aux traités et conventions internationaux, signés et ratifiés par la France. L’article VI du Traité de non prolifération de 1968 – que la France n’a ratifié qu’en 1992 mais cherche à faire appliquer par les autres pays, tout au moins par certains – indique que les pays détenteurs doivent rentrer dans la voie du désarmement nucléaire. La convention de révision du traité en 2000 dit clairement que l’on ne peut attribuer de nouvelles missions à son arsenal nucléaire. Or, de fait, la modernisation de nos armes nucléaires leur confère de nouvelles missions. La portée du M45 est de 5 à 6 000 km, elle est de plus de 8 000 pour le M51, qui est désormais capable de frapper n’importe quel point de la planète depuis un SNLE. Idem pour les missiles air-sol moyenne portée améliorée (ASMP-A) couplés aux avions Rafale : portée supérieure, pénétration plus efficace. D’autre part, la logique de dissuasion française a clairement changé de cap avec le discours de Jacques Chirac, en 2006 à l’Île Longue, réitéré en 2008 par Nicolas Sarkozy. Ces discours font état de la possibilité d’utiliser les armes nucléaires en cas de menaces sur « nos » intérêts vitaux ou nos ressources énergétiques. En rupture avec la logique de dissuasion pure, l’option de première frappe (ou frappe préventive) est actée ; cette option existe également au niveau de l’Otan. Que contestez-vous : le M51 ? la force de frappe ? le nucléaire ?Tout d’abord, le relance de l’arme atomique par la France : son illégalité ; son utilité, contestée, même au sein des plus hautes instances militaires avec notamment le Général Coppel ; son coût, de l’ordre de 15 à 20 milliards d’euros, dans la période que nous connaissons ! Et nous rappelons que le nucléaire militaire et le civil sont intimement liés.Franchir à sept personnes la limite du centre, c’est s’exposer délibérément à la justice. Qu’attendez-vous de cette stratégie ?Dans un pays où la voix des citoyens n’est pas prise en compte, notamment sur le nucléaire qui reste le tabou des tabous, nous voulons faire des tribunaux nos tribunes, comme pour les OGM. Notre logique est celle de la désobéissance civile et de l’action directe non violente. Nous agissons à visage découvert, au grand jour et nous assumons pleinement nos actes, y compris juridiquement. Les résistants sont des terroristes à qui l’histoire à donné raison. Nous ne sommes pas des terroristes, car dans la non-violence totale, mais considérés comme des délinquantEs par la justice française. Pour les OGM, aujourd’hui, ceux qui sont dans l’illégalité sont ceux qui, en France, en produisent ! Ensemble, nous sommes une force, l’obéissance servile aux autorités n’a jamais fait avancer la société et il faut que « la peur change de camp » : ce n’est pas un appel à la violence ou à l’insurrection, mais il faut faire comprendre que la force que nous pouvons représenter tous ensemble a de quoi inquiéter les gouvernants.Un mot du déroulement du procès ?Il y avait sept fourgons de gendarmes mobiles stationnés sur le parking proche du tribunal ! Mais à l’audience, nous avons pu exposer nos arguments, notamment l’illégalité de l’arme nucléaire et du M51, la suprématie du droit international sur le droit français. Du côté du parquet, la seule réponse fut la réquisition de 150 euros d’amende pour chacun. Vous avez déjà prévu de désobéir ailleurs ?Notre détermination est intacte. Pour le collectif le prochain objectif de campagne est le Laser Megajoule du Barp ; au mois d’octobre, les journées européennes contre la guerre en Afghanistan ; et un gros rendez-vous les 19 et 20 novembre avec le sommet de l’Otan à Lisbonne. Cependant, nous sommes tous impliqués dans divers collectifs et les raisons de désobéir dans les prochaines années ne vont pas manquer !Propos recueillis par Roger Devaneuse