Publié le Mercredi 30 mai 2012 à 21h26.

TOTALement révoltant !

Condamné en 2010 pour sa responsabilité dans le naufrage de l’Erika, Total s’est pourvu cassation le 24 mai. Le verdict est attendu en septembre. Si la Cour de cassation annule la condamnation du monstre pétrolier, ce sera une catastrophe pour les victimes du naufrage. Le 12 décembre 1999, l’Erika, navire vétuste transportant 37 000 tonnes de fioul à son bord, faisait naufrage. Celui-ci provoquait une marée noire majeure sur 400 km de côtes bretonnes, le chômage technique ou le licenciement pour les « travailleurs de la mer », le recul de l’économie locale, notamment dans les secteurs de la pêche côtière et du tourisme, la mort de 150 000 oiseaux mazoutés, le saccage de kilomètres de plages ! Cette catastrophe a provoqué immédiatement une très forte émotion et une extraordinaire mobilisation. À travers la coordination rapidement organisée, les syndicats de marins pêcheurs, les associations écologistes, des ornithologues ainsi que les populations et élus locaux directement concernés ont lutté dans la durée pour obtenir enfin que les pollueurs soient les payeurs. Des manifestations, nombreuses et souvent originales, des interpellations de l’État et de l’Union européenne ont été organisées. Cette lutte unitaire et exemplaire a suscité un soutien populaire bien au-delà de la région polluée !

Sans l’ampleur de cette mobilisation, la cour d’appel de Paris n’aurait sans doute pas confirmé la condamnation pénale de Total en 2010, en tant qu’affréteur, ainsi que celle de la société de certification Rina. Pour la première fois le préjudice écologique était admis, les plaignants allaient être partiellement dédommagés, et le principe de pollueur/payeur enfin reconnu allait pouvoir s’appliquer ! Formidable victoire qui remettait un peu les choses à l’endroit : elle imposait des limites au pouvoir absolu des affréteurs, propriétaires et armateurs d’accumuler le profit au mépris de la vie des populations. Reconnaissance enfin, après onze ans de bagarres déterminées, que l’intérêt collectif prime sur l’intérêt du plus fort ! Une première victoire peut-être remise en cause…Évidemment, Total n’accepta pas ce jugement et c’est sans surprise qu’il s’est pourvu en cassation. L’avocat général a demandé le 24 mai l’annulation de la condamnation au motif que la justice française ne serait pas compétente car l’Erika, qui battait pavillon maltais, a coulé hors des eaux territoriales françaises dans une zone qui renvoie la compétence de jugement aux juridictions du pays dont le navire porte le pavillon.

Avec un certain cynisme, l’avocat de Total a annoncé que les 201 millions d’euros (171 pour Total et 30 pour Rina) déjà versés aux parties civiles à la suite du rendu des derniers jugements ne seraient pas réclamés ! C’est vrai que cette somme représente bien peu face à ses 12 milliards de bénéfices annuels !

Mais sur le fond, cela signifie que cette énorme industrie pétrolière préfère perdre un peu d’argent aujourd’hui pour garder son pouvoir illimité de transporter à moindre coût ses cargaisons dangereuses quelles qu’en soient les conséquences !

Si la Cour de cassation suit les demandes de l’avocat général, casse les précédents jugements sans renvoyer le procès devant aucune cour, c’est la victoire complète de Total, pas de condamnation, pas de jurisprudence, pas de principe pollueur/payeur, la victoire de la loi du profit contre le droit à la vie ! Mais la légitime colère ne s’arrêtera pas à la porte des tribunaux !Les mobilisations qui ont suivi la catastrophe de l’Erika posaient fortement la question de notre avenir écologique : de quelle énergie avons-nous vraiment besoin ? Comment obtenir le développement d’énergies renouvelables plus respectueuses de l’homme et de l’environnement ? Et qui décide ?

À ces questions, avec beaucoup d’autres (associations écologistes ou altermondialistes, syndicats de marins…) nous voulons porter des revendications radicales, anticapitalistes, que nous gagnerons par nos luttes, pour que le transport maritime ne soit plus soumis à la loi de la jungle capitaliste et au pouvoir d’un droit qui se moque de la justice : la fin des pavillons de complaisance, à commencer par ceux utilisés par l’État français, l’adoption d’un plan de suppression des bateaux poubelles, la relance de chantiers navals publics pour la construction de nouveaux bateaux, la transparence entre tous les acteurs du transport maritime, l’adoption de sanctions réelles contre les pollueurs, la traçabilité complète de l’état de chaque navire depuis sa construction jusqu’à sa destruction.

Mais aussi : un vrai statut « international » des marins qui les protège réellement, pour éviter notamment le scandale des équipages abandonnés dans des ports avec le bateau, sans aucun droit, pour tendre vers des rémunérations et des droits sociaux homogènes quelque soit leur pays d’origine.

Pour le NPA, l’écosocialisme est un réel combat, parce qu’il porte des revendications pour aujourd’hui et dessine pour demain la société enfin débarrassée du capitalisme que nous voulons !

Roseline Vachetta