Publié le Mercredi 29 janvier 2025 à 12h00.

Notre budget, c’est le 100 % Sécu

Les commentateurs ont cru un temps Bayrou sous la coupe du PS — ce qui changeait de Barnier sous la coupe du RN. Non sans inquiétude pour les macronistes qui trouvait le prix de la stabilité politique presque exorbitant… 

Pierre Cazeneuve, député Renaissance des Hauts-de-Seine, taquin, ne disait-il pas, dans le Monde : « Un accord avec les socialistes, ça coûte toujours un peu d’argent ». Il est vrai qu’à l’heure des économies nécessaires, les quelques concessions de Bayrou, comme la non-suppression des 4 000 postes dans l’Éducation nationale ou la rallonge sur l’Ondam (Objectif national de dépenses de l’Assurance maladie) porté à + 3,3 % contre + 2,8 % précédemment, ont fait transpirer éluEs et ministres. Bayrou est apparu grand prince à peu de frais en balayant les propositions de taxation des pensions de retraite au-dessus de 2 000 euros et les 7 heures de travail gratuites. 

Le budget de la Sécurité sociale

La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale examine ces jours-ci le budget de la sécurité sociale avant qu’il ne passe à partir du 3 février devant les députéEs. Barnier prévoyait un « trou » de la Sécu de 16 milliards d’euros en 2025 quand le gouvernement Bayrou vise un déficit d’environ 23 milliards d’euros. 

Rien n’est simple, car les recettes de la Sécurité sociale (santé, travail et famille) dépendent largement de l’emploi. Même s’il est question de revoir à la baisse les exonérations de cotisations patronales, il n’est pas à l’ordre du jour de changer la « politique de l’offre » en vigueur depuis sept ans — c’est-à-dire les cadeaux aux riches, que ce soit sous forme de déductions d’impôts ou d’exonérations de cotisations sociales (deux budgets bien différents) —supposée « ruisseler »…

Un ruissellement de chômage

En guise de ruissellement, le dérèglement climatique nous apporte régulièrement son lot d’inondations et de dévastation, mais pour le reste… il s’agit plutôt d’un fiasco. Borne, Attal et Le Maire avaient manifestement surestimé le taux de croissance et donc les recettes en 2023 et 2024. Or aujourd’hui, non seulement le taux de croissance est de 0,9 %, mais surtout la hausse du nombre de demandeurEs d’emploi est la plus élevée depuis dix ans au quatrième trimestre 2024 (+ 3,9 %). Et quand le chômage monte, les cotisations sociales baissent, donc le déficit de la Sécu augmente. Preuve s’il en était besoin que la politique de l’offre n’a pas d’effet. 

Et les inégalités continuent de s’aggraver. Alors que le taux de chômage avoisine les 7,5 % de la population active, l’indemnisation chute de – 0,6 %. « Ne sont indemnisés que 40,6 % des inscrits à France Travail ! », dénonce la CGT. C’est une des conséquences des réformes catastrophiques de l’assurance chômage.

La hausse du chômage chez les moins de 25 ans est de + 8,5 % au dernier trimestre alors même que l’État dépense 24 milliards d’euros en cadeaux aux entreprises. Et elles ne sont pas près d’y renoncer…

Côté santé

Même combat, quand le chômage monte, il y a moins de cotisations sociales pour notre « sécu », laquelle reste très efficace en matière de soins et le serait encore plus si l’ensemble du secteur était moins financiarisé… L’UFC-Que Choisir pointe dans une étude du 28 janvier que les frais de gestion des complémentaires santé sont particulièrement élevés, de l’ordre de 20 euros pour 100 euros de cotisations, alors qu’ils atteignent à peine 4 euros pour la Sécurité sociale. Efficace, on vous dit !

En matière de santé publique, le 100 % Sécu permettrait l’accès aux soins de toutes et tous. Mais évidemment, un tel service  n’est pas au goût des capitalistes. Depuis 2018, les complémentaires santé ont d’ailleurs augmenté leur tarif de 40 %, tout en baissant la part de leur remboursement, s’indigne l’UFC-Que Choisir… Démanteler la sécu pour l’offrir au marché ! Un vieux rêve.

Alors, motion de censure ou pas, stabilité ou pas… le compte n’y est pas. L’austérité ne sera certainement pas pour les grandes fortunes qui n’ont fait que s’enrichir sous Macron. Les hôpitaux, l’école et les services publics continueront de faire avec des bouts de ficelle. 

Bayrou s’est mis sous la coupe de Retailleau, lequel n’a rien à envier à Ciotti et Le Pen. Ce qu’il risque de perdre côté PS, Bayrou veut le regagner côté RN. À ce jeu, il pourrait tout perdre. Tout ça pour continuer la politique de la bourgeoisie « de l’offre ».

Il est temps que tous ensemble, travailleurEs et chômeurEs, jeunes et moins jeunes, immigréEs ou pas, nous leur rappelions la limite et que nous imposions nos propres règles pour produire écologiquement, utilement et gagner la justice sociale. Il est temps que la société tout entière définisse des règles et dans l’intérêt général sur le modèle du 100 % Sécu. Seul le monde du travail, uni et conscient de ses intérêts, peut le faire…

Fabienne Dolet