Publié le Lundi 29 juin 2015 à 07h37.

Berrien (29) : Une école et une ville en lutte

Entretien. Nichée au cœur des monts d’Arrée (centre Bretagne), Berrien est une petite ville de 974 habitantEs au cœur de la bataille contre les fermetures de classe. Son maire Paul Quémener a bien voulu répondre à nos questions.

Peux-tu nous décrire les risques de suppression de classe et les conséquences pour Berrien ?

Les parents d’élèves et les éluEs de Berrien sont entrés en résistance fin mars quand l’Éducation nationale nous a envoyé un courriel pour nous prévenir de la suppression du quatrième poste de professeur des écoles sur notre commune. Les conséquences sont importantes et quelquefois insoupçonnées. L’Éducation nationale n’a qu’une approche comptable de la situation, et nous lui avons fait remarquer que 25 élèves par classe ne posent guère de problème à condition qu’il n’y ait qu’un seul niveau... Mais 25 élèves avec trois ou quatre niveaux, comme ce sera le cas chez nous à Berrien, c’est injuste, c’est tout simplement mettre en difficulté, voire en échec scolaire, nos enfants. Comment voulez qu’un professeur avec 25 élèves, et probablement davantage, puisse accorder un peu de temps aux enfants les plus lents, ainsi qu’à ceux d’ailleurs travaillant plus rapidement ? C’est ça être équitable ?

La réponse de l’académie est simple : la distribution des postes d’enseignants dans les écoles est faite de façon équitable pour toutes les communes, Les représentants de l’Éducation nationale (dont l’Inspecteur d’académie) ont accepté de nous recevoir ces dernières semaines (je ne vous cache pas que nous avons bien souvent forcé les portes) et nous ont tous servi le même refrain depuis le début de nos actions. Nous sommes écoutés mais pas entendus, et ils ne font qu’appliquer avec zèle la politique gouvernementale.

L’Éducation nationale nous conseille fortement de mettre en place un rapprochement pédagogique avec d’autres communes. Cela consiste à répartir les différents niveaux maternels et primaires sur plusieurs villes. Nos enfants seraient obligés de prendre le car scolaire matin et soir (bien évidemment aux frais de la commune), et nous le savons bien, on commence par une classe, et quelques années plus tard une deuxième, et très rapidement la disparition de l’école devient inéluctable...

Par ailleurs la loi que va voter le gouvernement en juillet prochain sans aucune concertation avec les éluEs de base va aggraver les difficultés des petites et très petites communes en zone rurale. Notre commune doit continuer à vivre, et c’est pourquoi nous défendons avec autant d’acharnement notre école.

Une majorité des éluEs et moi-même ne nous reconnaissons plus dans cette gauche au pouvoir aujourd’hui. Notre gauche, ce n’est pas celle qui ouvre un boulevard pour Marine Le Pen....

La mobilisation contre la fermeture est forte. Comment vous y prenez-vous pour vous battre contre les fermetures de classe ?

Dès le début, la mobilisation a été très importante, et les parents d’élèves de plusieurs communes du canton et même du département se sont retrouvés à plusieurs reprises à Quimper, au rectorat, et à Carhaix, le chef-lieu de canton, pour manifester. Les premières semaines d’action, nous avons rencontré certains élus, et nous constatons aujourd’hui que toutes les communes ont pris acte de la décision du rectorat, sauf bien évidemment la commune de Berrien où parents d’élèves, enseignantEs et éluEs continuent le mouvement. Première ajointe et précédente maire de la commune, Marie-Pierre Coant a dit à plusieurs reprises « on se battra jusqu’au bout pour sauver notre classe ».

Les vacances scolaires approchent, il sera plus difficile de mobiliser les familles. Nous, éluEs, travaillons activement pour trouver des logements libres immédiatement, pour permettre à de nouvelles familles avec enfants de venir s’installer avant septembre prochain sur notre commune. Nous sommes sur la bonne voie, et nous espérons bien y parvenir : déjà deux familles, dont quatre enfants inscrits pour la rentrée prochaine. Encore un petit effort et nous pourrons récupérer notre quatrième poste.

Ne rien attendre du gouvernement, cela évite les déceptions et me semble une plus sage décision... Hélas !

Peux-tu expliquer la proposition de vente de terrain à 1 euro le m² ?

La commune de Berrien a aménagé un lotissement il y a maintenant un peu plus d’un an comportant dix terrains viabilisés restés sans acquéreur jusqu’à ces derniers jours. Le conseil municipal a décidé, le 19 mai dernier suite à la suppression d’une classe de notre école primaire, de vendre les terrains du lotissement 1 euro le m² pendant un an pour faciliter la venue de nouvelles familles avec enfants.

Nous avons fait appel à nos journaux régionaux pour informer le public. Dans l’un d’entre eux, nous nous sommes retrouvés en première page, et le jour même de la diffusion, nous avons reçu sur la commune plusieurs télévisions, radios et journaux. Cela a duré environ une semaine : génial pour notre commune et notre école ! Nous avons eu plus de 300 appels téléphoniques pour nos dix terrains : de la folie et beaucoup de travail pour nos secrétaires de mairie. Nous risquons de faire beaucoup de déçus, mais il nous faudra faire un choix. Le Podemos du centre Bretagne pour la défense de l’éducation nationale devra encore attendre un peu. Combien de temps je ne sais pas...

Propos recueillis par Matthieu Guillemot