ContreTemps: On est au lendemain, ou dans les derniers prolongements d'un grand mouvement dans l'enseignement supérieur et la recherche... Où en est l'université après plus de quatre mois de grèves et de mobilisations ?
M. B. : C'est encore difficile à dire. Dans l'immédiat, les universités sont en train de s'occuper de la validation des diplômes, l'une des dernières choses à régler suite au mouvement puisque c'est la dernière des étapes de l'année (ensuite, il s'agit de préparer la suivante). Là où la grève des cours a été forte et prolongée, elle ne peut être ignorée, la validation doit au moins être fortement aménagée. On essaie de maintenir un certain rapport de forces pour des modalités aussi favorables que possible aux intérêts de tous... ce qui fait encore partie du mouvement. Mais il y a aussi un certain nombre d'universités qui ont repris les cours depuis un moment. On a senti une unité large, notamment parmi les enseignants-chercheurs, mais aussi une diversité de modalités d'action, d'intensité de la grève, selon les établissements et les catégories de personnels. Et la préparation de l'année prochaine est très compliquée... on a donc un peu de mal à savoir comment cristalliser les acquis liés au mouvement lui-même, en l'absence de réelle victoire sur les revendications.
Mais pour l'instant ces acquis existent ?
M. B. : Oui. Là encore, les situations locales varient mais la force de la mobilisation des enseignants-chercheurs et des étudiants, les formes d'auto-organisation mises en place ou renouvelées, doivent permettre de sortir du mouvement la tête haute et d'envisager collectivement l'avenir. Cela ne concerne d'ailleurs pas que les enseignants et enseignants-chercheurs. Si le mouvement est venu un peu à contretemps par rapport à ceux menés par les étudiants ces dernières années, leurs acquis et ceux des personnels vont devoir être combinés. Il faudra aussi apprendre des erreurs de ce mouvement en la matière. On est toujours convaincus d'avoir raison contre les réformes, à nous maintenant de trouver les moyens d'agir après une forte grève qui ne gagne pas. De nombreux collègues comprennent aujourd’hui l'importance de se replacer dans le contexte général des luttes sociales, ce qui n'était pas si souvent le cas auparavant. Le premier mouvement qui avait vu la naissance de Sauvons la recherche (SLR), en 2004, s'appuyait bien plus sur un sentiment d'«exception» de la recherche par rapport au reste du secteur public et du monde du travail... on a fait du chemin.
Revenons sur les événements : un tel mouvement dans les universités et la recherche, comment est-il vécu par un doctorant en sciences humaines ?
M. B. : Comme souvent pour les doctorantes et doctorants, la réponse à une question générale est «ça dépend». Par exemple, on n'a pas toujours un rattachement réel à un lieu de travail (autre qu'une bibliothèque). Ça varie d'un individu à l'autre, d'une discipline à l'autre. Le seul point commun à l'activité de tous les doctorants, c'est de faire de la recherche. Mais ce n'est pas vraiment la même activité partout, et ça peut être une activité très solitaire, en sciences humaines en particulier. C'est aussi un point commun avec les enseignants-chercheurs titulaires, mais les rapports avec eux ne sont pas forcément horizontaux, et même si au fil des années on peut quand même dire qu'on fait le même travail (on est apprenti, disons), ce n'est pas forcément pleinement reconnu par nos pairs.
Et l'enseignement ?
M. B. : Le fait d'enseigner est, à mon avis, ce qui peut le mieux nous amener à être intégré à un collectif de travail, ce qui est déterminant en cas de grève. Bien sûr, ce n'est pas systématique, des rapports de subordination existent, mais là aussi la mobilisation peut avoir des effets positifs. Je n'étais dans mon université actuelle que depuis six mois quand le mouvement a commencé, mais je me sentais assez bien inséré, par l'enseignement avant tout et par les discussions sur les réformes, déjà. Il faut dire que je suis arrivé dans un département qui avait déjà des pratiques collectives plutôt favorables de ce point de vue, ce qui n'est pas le cas partout. Parmi les doctorants de sciences humaines, il y a aussi beaucoup de précarité. On est parfois embauché sur des contrats attribués localement, par un établissement, ou on fait notre recherche sans contrat, comme si on était simplement étudiants. Tout cela renforce l'isolement et la subordination.
Qu'est-ce que le mouvement a pu changer pour toi et pour les doctorants ?
M. B. : Lors des précédents mouvements, qui étaient principalement des mouvements étudiants, j'avais connu un certain isolement. J'ai senti la différence cette année, parce que ma nouvelle situation m'a permis de m'investir et d'être reconnu, par un certain nombre de collègues titulaires, comme acteur du mouvement au même titre qu'eux. En même temps, avec le collectif de doctorants, on avait parfois plus de liens que les titulaires avec les étudiants, même si ça ne pouvait suffire à réduire les décalages entre étudiants et enseignants – décalages de revendications, d'expériences, de rythmes et, tout simplement, la distance propre au rapport prof/élève. Le mouvement a permis des avancées, mais il y a encore du chemin à faire, et on n'a pas forcément beaucoup de marges de manœuvre face à l'accélération de toutes les contre-réformes, et à la situation générale du pays.
Entre doctorantes et doctorants, on a créé notre propre coordination, parce que le mouvement s'est assez vite construit sur des bases concernant toutes les catégories. La CNU (Coordination nationale des universités) a joué un rôle, au moins partiel, de direction du mouvement, en s'appuyant en partie aussi sur les autres coordinations spécifiques qui ont existé autour d'elle : personnels administratifs et techniques, étudiants, laboratoires, IUT, IUFM... Et le fait d'apprendre à se coordonner entre salariés de plusieurs catégories et de toute la France, dans ce mouvement, a été une réelle avancée. Du côté des doctorants, on a organisé des réunions par lieu de travail mais aussi par zone géographique parfois, pour répondre à l'isolement de certains. Ça ne remplace pas la pleine insertion dans un collectif de travail, mais ça permet de participer, au-delà des manifs, et ça réduit la frustration, voire l'envie d'abandonner.
Quelles étaient vos revendications spécifiques ?
M. B. : C'était d'abord le refus de la proposition piégée de «contrat doctoral unique» (CDU). En gros, le contrat n'est pas réellement un nouveau statut commun à tous : il tend à individualiser les conditions de travail et les salaires, tout en accompagnant très bien le manque de postes et le démantèlement de certaines filières faute de financements publics indispensables (c'est particulièrement vrai en sciences humaines). Le manque de financements pour les doctorants s'aggrave. Le recrutement sur ce contrat perd toute dimension nationale, comme pour d'autres catégories de personnels, tout à fait dans l'esprit de la LRU. Si ces problèmes pouvaient préexister au CDU, ce contrat en introduit de nouveaux : une période d'essai et des tâches n'ayant rien à voir avec l'enseignement et la recherche (on imagine que ce sera difficile de les refuser, alors qu'on est censé être en formation dans ces deux domaines seulement). Et pour quel salaire ? Ces tâches supplémentaires ne seraient pas forcément limitées en durée ni compensées de façon fixe, puisque le contrat impliquerait une rémunération individualisée. Le mouvement a aussi été l'occasion de revisiter les différences entre disciplines, les inégalités, les différentes formes de précarité et toutes sortes de problèmes, pour avancer dans la perspective d'un statut de salarié commun à tous, qu'il faudra arracher dans le cadre d'un plan pluriannuel de création de postes, et de hausse de budgets pour les services publics.
Dans ce CDU, on reconnaît la logique générale des «réformes» actuelles de l'enseignement supérieur et de la recherche...
M. B. : Oui, et même au-delà. C'est pourquoi les revendications des doctorants recoupent directement celles des autres catégories de salariés et d'étudiants mobilisés. Il y a la mise en place des entretiens individuels d'évaluation des personnels administratifs et techniques (BIATOSS, ITA...), la modulation soi-disant «volontaire» des services des enseignants-chercheurs... alors que la pénurie de postes statutaires pousse tout le monde à travailler plus ou à faire travailler plus ses subordonnés : les personnels sous la pression de la présidence, à laquelle s'ajoute celle des titulaires pour les doctorants et tous les précaires. Pour finir le tour d'horizon des projets auxquels ce mouvement s'est opposé, la réforme du recrutement des enseignants du primaire et du secondaire va aussi individualiser leur formation et brouiller les cadres nationaux existants, pour développer les inégalités et le recrutement hors postes de fonctionnaires, ce que le démantèlement du CNRS produit déjà dans la recherche publique.
La recherche dans la tourmente des contre-réformes
Comment les contre-réformes actuelles affectent-elles l'activité de recherche ?
M. B. : Il y a différents effets, notamment selon les disciplines, mais il y a aussi des logiques d'ensemble. La recherche est une activité très différente selon les domaines. J'ai déjà parlé un peu de la division du travail, qui implique plus de travail collectif mais aussi parfois plus de hiérarchie dans ce qu'on appelle les «disciplines scientifiques». Il peut aussi y avoir de grands écarts entre les disciplines présentes dans l'enseignement secondaire ou même primaire, et qui sont donc liées à des concours de recrutement d'enseignants pour ces écoles publiques. On l'a vu dans ce mouvement où le recrutement des enseignants était en jeu.
Les raisonnements idéologiques qui sous-tendent les contre-réformes tentent de trouver une certaine prise sur ces différences. Cela débouche sur une remise en cause de l'utilité de certaines de nos activités, en fonction notamment des disciplines et des types de recherche. Dans l'esprit des contre-réformes du moment, l'histoire de l'art ou la philosophie, par exemple, seraient réduites à un supplément d'âme à transmettre à quelques étudiants privilégiés. L'idée générale est de ne pas maintenir en masse des enseignants-chercheurs avec un statut et un salaire décents, dans les «lettres» et les «humanités». Un des leviers pour peser sur nous est la pression du marché du travail lui-même. Comme si l'université était responsable de la situation de l'emploi, on assiste à une contestation de la légitimité de toute activité n'étant pas immédiatement destinée à former des travailleurs ou à produire des connaissances monnayables. Du coup, la pression porte aussi sur la recherche fondamentale en général.
Que peut-on dire pour la défense de ce type de recherche ?
M. B. : D'abord, qu'elle n'est pas réellement dissociable de la recherche dite «appliquée». Quand on se penche sur le fonctionnement réel de la recherche, on constate à quel point les transformations en cours sont idéologiques, guidées par la volonté d'économies immédiates plus que par une réelle politique de recherche publique. Une recherche dont le but est d'étendre la connaissance d'un certain objet ou domaine ne peut prévoir à l'avance ce qu'elle va trouver; même si on cherche toujours quelque chose au départ, il y a une part importante d'imprévu. C'est même ce qui justifie de faire cette recherche ! C'est sur la base des vastes connaissances ainsi produites que l'on peut greffer tout un tas de projets d'application. On retrouve quand même les différences de disciplines : en sciences sociales, par exemple, l'application n'existe pas forcément. En même temps, du point de vue des stratégies de pouvoir, étatiques ou économiques, on peut assurément trouver son compte dans les sciences sociales qui peuvent être – et sont souvent – mises au service de l'encadrement des salariés, des consommateurs, ou encore des populations d'un quartier. Je ne sais pas si le lien avec la recherche est le même que pour la production d'une molécule ou le développement d'une machine. Quoi qu'il en soit, on peut lier recherche et pratique sans devoir déboucher sur des biens marchands, et c'est clairement l'esprit de nos mobilisations récentes.
Dans certaines disciplines, le mot application n'a pas forcément de sens, ce qui ne signifie pas que le mot utilité n'en ait pas (certes, ce ne sera pas le sens que lui donnent ceux qui privatisent l'université et la recherche). Je pense que l'on peut s'approprier la notion d'utilité pour dire que les sciences sociales, les lettres, etc., peuvent être tout aussi socialement utiles que les autres disciplines, qu'elles sont un instrument d'émancipation individuelle et collective. Ce sont des disciplines qui se donnent des critères de fonctionnement, qui permettent de mettre en place une pratique scientifique collective. Nier l'utilité de l'histoire est sans doute l’une des pires formes d'obscurantisme. Et si le grand public peut être plus perplexe face à la notion de recherches littéraires, elles sont en fait très intégrées au domaine des sciences humaines en général, où elles jouent un rôle important (théories du texte et sciences sociales sont assez indissociables, par exemple). En outre, dans la crise actuelle, on constate que la façon dont nos sociétés décident de l'utilité d'une activité ne fonctionne pas forcément très bien, c'est un peu le sens d'un des slogans diffusés par une université d'Île-de-France, « Plus de chercheurs, moins de traders ! ».
En plus de l'accusation d'inutilité, n'y a-t-il pas aussi une volonté de reprise en main politique ?
M. B. : Si. Et c'est d'ailleurs très dangereux dans toutes les disciplines, parce qu'une recherche qui se donne des objectifs pour la connaissance a plus de chances de servir les besoins de toute la société, que celle qui naît de l'initiative des puissances politiques et économiques. Par exemple, celles-ci n'ont pas pour objectif de rendre le fruit de la recherche accessible à tous. On le voit avec l'usage des brevets et de toutes sortes de clauses de confidentialité dans les contrats de financement dès que de l'argent privé est en jeu (et les entreprises publiques imitent de plus en plus ce modèle quand elles financent de la recherche). La recherche fondamentale, financée sur ressources publiques nécessaires et libre de ses orientations peut être un domaine où des projets et des principes sociaux et politiques se développent, à condition que ce soit l'autonomie du débat public, pas celle de l'entreprise privée, qui s'impose. L'autonomie d'une recherche réellement publique est menacée malgré la novlangue qui dit le contraire. Restreindre la diversité de cette recherche est une régression politique pour toute la société. L'affaire Geisser est peut-être l'exemple le plus récent de la reprise en main politique à l'œuvre, une illustration sans doute extrême mais dans la continuité de ce qui peut se mettre en place partout. C'est dans cette logique qu'on nous impose de nouveaux modes d'évaluation.
De quoi s'agit-il ?
M. B. : La transformation ou la création de processus d'évaluation est un outil très utilisé ces dernières décennies pour dévaloriser et intensifier le travail. Les formes d'évaluation existantes pour nous impliquaient des procédures nationales, anonymes, collectives (laboratoires), menées par des instances désignées par et parmi les collègues compétents et légitimes dans les recherches qu'ils évaluaient. Quels qu'en soient les résultats, il n'était pas question de forcer quelqu'un à enseigner plus sur la base d'une mauvaise évaluation, parce qu'on considérait qu'on avait besoin d'enseignants-chercheurs, maintenant un lien vital entre les deux activités. Aujourd'hui, la création d'agences d'évaluation dont la composition et les critères n'ont rien de scientifique accompagne le démantèlement du CNRS et l'affaiblissement du Conseil national des universités. Un des exemples marquants des nouveaux critères est la tentative d'imposer des classements hiérarchisés des revues où l'on publie notre travail, ce que beaucoup de collègues refusent. Ces classements sont censés faciliter une évaluation de la quantité de travaux publiés par les chercheurs. On est donc incité à faire jouer les réseaux de cooptation, les hiérarchies, pour multiplier les publications, plutôt que de se consacrer pleinement à la recherche. On est loin de toute «concurrence vertueuse».
Plus généralement, on sent bien que les critères appliqués sont aussi des critères de gestion comptable dans un contexte de réduction des budgets. On rejoint là les usages actuels de l'évaluation dans tous les secteurs du monde du travail : réduire la reconnaissance du travail, nier sa réalité. Il est difficile d'intensifier le travail intellectuel ou de service comme on accélère une chaîne de montage. L'évaluation joue donc un rôle peut-être plus central encore pour étendre le fameux «travailler plus pour gagner moins» aux enseignants et aux chercheurs. C'est vrai aussi pour les personnels administratifs et techniques. Ils ont dénoncé le fait d'être rendus «invisibles» dans nos établissements, alors que s'ils arrêtent de travailler, tout est au point mort. Là encore, l'arme employée contre eux tient à l'évaluation – l'entretien individuel par le supérieur hiérarchique – instrument de dévalorisation du travail par excellence.
Et maintenant ?
Le mouvement a-t-il permis d'esquisser des alternatives à ces évolutions profondes ?
M. B. : Il nous a d’abord donné l'occasion de mieux nous connaître au-delà de toutes les différences dont j'ai parlé. Parfois pour mesurer des fossés, mais aussi pour les réduire et agir ensemble. Il nous a permis de réaffirmer ce lien entre enseignement et recherche, qui est menacé. Dans l'ensemble, si le mouvement a révélé une grande colère face aux conditions de travail et aux pratiques qu'on nous impose, il n'a pas forcément déclenché de réflexion profonde pour développer d'autres pratiques de recherche et d'enseignement, sauf peut-être sur un mode demeuré individuel, comme si l’on restait dans une logique un peu renfermée sur elle-même. De plus, la grève a reposé assez logiquement sur la grève de l'enseignement, plus efficace, même si elle s'accompagnait parfois, de fait, d'une grève au moins partielle de la recherche, inévitable pour se mobiliser. Mais si certains ont tenté des «cours alternatifs», je n'ai pas eu connaissance de mise en pratique de «recherches alternatives».
Il y aurait pourtant beaucoup à dire et à faire pour développer et généraliser des pratiques de travail plus collectives, plus solidaires et égalitaires. Il n'est pas vrai que les disciplines «littéraires» et «humaines» ne le permettent pas. En tant que jeune chercheur issu d'un milieu où le travail universitaire n'est pas bien connu, il me semble que le travail collectif réel, durable et équilibré est trop rare ou trop peu lisible, ce qui renforce les effets de sélection sociale à l'entrée de ces carrières où la «formation initiale» est de très longue durée. Je crois que les principaux obstacles à ces innovations sont en partie extérieurs au monde de la recherche et de l'enseignement, et qu'ils impliquent qu'on se tourne toujours plus vers l'extérieur. Sur ce point le mouvement n'aura pas été inutile. Il a permis de se poser concrètement la question des liens avec l'extérieur, dans la mobilisation et dans notre activité quotidienne. C'est un thème que le gouvernement s'approprie beaucoup, mais dans un esprit de professionnalisation et de mainmise politique et marchande. Pour lui, la société civile, c'est le patronat. Pour nous, l'enjeu est de créer des liens de solidarité contre les politiques actuelles, parce que seule une victoire significative sur ce terrain-là nous permettrait de mettre en place une autre université, une autre recherche, vraiment liées à la société et vraiment autonomes à la fois. Les initiatives de solidarité et d'extension vers les autres secteurs de l'enseignement ou encore les hôpitaux, n'ont pas été aussi réussies qu'on pouvait l'espérer, mais elles nous ont beaucoup appris. La découverte des similitudes entre la loi sur les hôpitaux dans la santé et la loi LRU à l'université ou le démantèlement du CNRS a eu un effet très fort sur les collègues des différents secteurs.
Que peut-on construire sur ces bases ?
M. B. : Cette prise de conscience n'a pas suffi à obtenir une grande mobilisation victorieuse, et elle ne la remplace pas. Mais elle aura son utilité si on sait en tirer les conséquences. Pour déployer à pleinement toutes les alternatives nécessaires, il faudra un changement de logique à l'échelle de la société. Dans l'état actuel de la société, le marché du travail fait pression sur les diplômes et réduit la possibilité d'une université émancipée des impératifs «professionnels». Le démantèlement du service public ne pourra pas être enrayé si tous ceux qui sont concernés continuent de se battre secteur par secteur. On prend chaque jour un peu plus conscience du fait que cette dynamique n'épargne ni les étudiants ni les personnels de notre secteur. Si nous ne prenons pas une vraie place dans les mobilisations de toute la société, on pourra dire adieu à tous les beaux projets pour une autre université.
Entretien réalisé par Thierry Labica. Pour s'abonner à la revue Contre temps :http://www.contretemps.eu/node/56
Doctorant ATER à l’université Paris 10 Nanterre, Mathieu Bonzom a été porte-parole de la Coordination nationale des universités (CNU).