Publié le Jeudi 1 décembre 2022 à 18h00.

Automobile : « Nous organisons un premier débrayage ce jeudi 1er décembre »

Entretien. La direction de Renault a engagé une restructuration profonde du groupe qui a des conséquences sur les conditions de travail et les contrats des salariés. Nous avons rencontré Florent Grimaldi, secrétaire du syndicat CGT du site de Lardy.

Renault va exploser en au moins 5 entités. Où devraient aller les activités du centre de Lardy où tu travailles ?

Le site d’ingénierie, qui a pourtant déjà connu une baisse drastique des effectifs en quatre ans (– 40 %), va être divisé. La majeure partie des salariéEs (environ 650) vont être filialisés dans Ampère (l’entreprise qui travaillera sur l’électrique et sera introduite en bourse dans quelques mois) et 170 salariéEs vont rester dans Renault SAS. Et il ne faut pas oublier les salariéEs sous-traitants qui seront eux aussi répartis entre les filiales. Une explosion du nombre de statuts sur le site qui est un moyen patronal d’affaiblir les futures ­réactions collectives.

Et les manœuvres ne s’arrêtent pas aux sites de R&D en France. Ceux d’Espagne et de Roumanie, dans lesquels les activités liées aux moteurs thermiques et hybrides vont être délocalisées, subissent le même découpage. Une partie importante quitte carrément le groupe Renault pour rejoindre une co-entreprise détenue en partie par le constructeur automobile chinois Geely. Une attaque mondiale... qui appelle une riposte globale.

Dans le centre de Lardy il y a déjà eu beaucoup de suppressions d’emplois avec un nombre important de prestataires. Pour celles et ceux appelés à rester, qu’est-il annoncé pour le devenir de leurs contrats de travail Renault ?

Ceux qui partent dans la nouvelle filiale Ampère voient leur contrat de travail transféré sans qu’ils aient leur mot à dire : s’ils refusent, c’est le licenciement. On avait déjà fortement combattu l’externalisation d’un secteur de maintenance l’an dernier, quand une vingtaine de salariés étaient transférés de force vers une petite entreprise sous-traitante. On connaît donc bien les risques encourus pour les droits sociaux attachés à nos contrats de travail : tous les accords collectifs seront caducs au bout de 15 mois dans la nouvelle structure. Une occasion rêvée pour le patronat de les revoir à la baisse. Ils espèrent que, divisés, nous aurons plus de mal à répliquer. C’est pourquoi il va falloir insister sur notre unité, au-delà du nom de l’entreprise sur notre bulletin de paie. Il faut même s’attendre à ce que des salariéEs Renault se rendent compte que leur « statut » n’est pas si protecteur que ça, et donc que la solidarité entre Renault, ex-Renault et sous-traitants gagne du terrain.

Comment réagissent les salariéEs du centre de Lardy à ces annonces ? Quelles ripostes préparez-vous sur le centre même de Lardy ?

Après les 1 000 suppressions d’emplois en quatre ans et l’annonce de la délocalisation complète des activités thermiques et hybrides d’ici 2026, ce nouveau coup est rude. Pour l’instant, c’est l’abattement qui prédomine. Mais, alors même que la majorité du site est composée d’ingénieurEs (et l’autre petite moitié de technicienEs), nous n’entendons quasiment personne défendre la stratégie de la direction générale. C’est quand même notable.

CertainEs salariéEs prennent conscience de l’importance de l’attaque, qui s’inscrit dans la restructuration du secteur automobile sous prétexte de transition vers l’électrique. Mais les conséquences concrètes ne vont apparaître que dans quelques mois. À partir des inquiétudes légitimes des plus conscientEs et des questions immédiates soulevées par tous les autres (les droits, l’organisation du travail, etc.) nous organisons un premier débrayage ce jeudi 1er décembre.

Le plan de Renault vise tous les établissements du groupe. Quelles sont les positions des différents syndicats et y-a-t il des appels à des ripostes communes ?

Les syndicats centraux sont très discrets, voire muets sur ces questions. La CFDT, la CFE-CGC et FO soutiennent mollement la direction générale pour l’instant, de peur de perdre tout crédit si des réactions sur le terrain naissaient. La CGT ne propose pas d’initiative au niveau central.

Il existe chez Renault des syndicats combatifs qui ne jouent pas le jeu du dialogue social. Avez-vous commencé à nouer des contacts pour examiner les premières ripostes possibles ?

Voyant les choses venir, nous avions déjà appelé à une mobilisation contre le découpage de Renault en juin dernier sur le site de Lardy : cela avait permis de réunir les salariéEs de Lardy inquiets pour l’avenir et des militantEs d’autres sites, dont ceux de Cléon, Le Mans, Flins.

Mais, depuis l’officialisation de la découpe début novembre, c’est surtout dans l’usine de Cléon que des réactions intéressantes ont eu lieu. Des salariéEs de la fonderie, qui avaient connu une filialisation puis une réintégration chez Renault (ils savent donc à quoi s’attendre dans ce genre de manœuvre) se sont réunis le 15 novembre et ont décidé de préparer une action. Les militantEs de la CGT ont réussi à élargir en organisant des réunions la semaine suivante dans d’autres bâtiments du site. Les salariéEs mobilisés ont décidé ensemble d’envahir la salle où se tenait la réunion du CSE le lendemain. Si le directeur a rapidement pris la fuite, l’action a motivé les travailleurEs qui y ont participé et a fait parler dans toute l’usine. Plusieurs qui n’étaient pas venus, se sont dit qu’ils le feraient la prochaine fois. C’est ce genre d’action qu’il va falloir généraliser et faire converger pour défendre nos droits et nos emplois.

Propos receuillis par Jean Claude Vessillier animateur du blog NPA Autocritique