Au-delà des annonces régulières sur une prochaine stabilisation du chômage, force est de constater que la réalité est tout autre. Les statistiques provisoires de l'INSEE pour 2012 sont sans appel : au quatrième trimestre, l'économie française a continué à détruire 28 100 emplois, soit 66 800 pour l'année avec notamment une perte de 13 800 postes dans l’intérim.Aujourd'hui, il y a près de 9 millions de chômeurs en France, un taux dépassant les 30 % (cf. article « Chômage invisible » dans Tout est à nous n°179). Sur un an, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 8,8 %, avec 9,2 % pour les moins de 25 ans, 15,2 % pour les plus de 50 ans. Enfin, le nombre de chômeurs en fin de droits a explosé en 2012 : en décembre, 98 000 personnes sont arrivées au bout de leurs droits contre 90 000 en 2011. Derrière tous ces chiffres, ce sont des détresses sociales menant au pire comme à Nantes. Pendant que les mobilisations les plus en vue comme PSA, Arcelor ou Goodyear alimentent les débats sur la riposte à construire pour empêcher ce désastre, le plus gros des suppressions d'emplois se fait dans le silence, l'indifférence.Lutter, oui mais comment ?Longtemps le mot d'ordre d'interdiction des licenciements ne fut mis en avant que par les organisations d'extrême gauche. La question redevient d'actualité à chaque montée des luttes contre les licenciements et les fermetures de sites. Ainsi, ce mot d'ordre était en tête des mobilisations en 2001, lors des luttes autour des LU-Danone, Marks Spencer et AOM.Il y bien des appréciations différentes sur les tactiques de lutte dans mobilisations en cours. Mais également plus que des nuances entre les revendications qui émergent dans ces batailles. Au fil des années et des « plans sociaux », beaucoup de salariéEs et d'organisations syndicales limitent leurs revendications au chèque qui accompagne les licenciements. Les luttes contre les fermetures d'usine paraissent souvent perdues d'avance, ce qui permet à certains syndicats de justifier leurs reculades. Ainsi les syndicats signataires de l'ANI entérinent et cautionnent des reculs sociaux, au nom d'une prétendue défense des intérêts des salariéEs… qui n'est en fait que celle du patronat.Partage des tâches ?Dans le même temps, la revendication de l'interdiction des licenciements boursiers, dans les entreprises ou des groupes qui font des bénéfices, ont d'abord le défaut « d'oublier » la plus grande masse des licenciements qu'ils soient individuels ou dans les TPE, PME ou PMI. Mais surtout, ils s'inscrivent le plus souvent dans des stratégies politiques dans lesquelles les luttes de salariéEs ne sont qu'un phénomène social, sans rapport à la politique, un champ séparé réservé aux organisations syndicales. Dans la même philosophie que la « sécurité sociale professionnelle » ou le « nouveau statut du travail salarié », chers à la CGT, au Parti de gauche ou au PCF, les mobilisations sur ces thèmes sont conçues comme des points d'appui à des campagnes électorales ou d'éventuelles propositions parlementaires. Un partage des tâches qui cache plus ou moins bien le refus de remettre en cause le système. La question des pouvoirsPour nous, il s'agit de questions doublement politiques. D'une part est combattue la mise en cause du tout puissant pouvoir patronal de disposer de notre travail, des productions et des façons de produire. D'autre part, est posée la question du pouvoir politique à même de procéder à de telles incursions dans la propriété privée, la dictature du capital.Ces questions se retrouvent dans les débats autour des mots d'ordre de nationalisation, d'expropriation qui posent de la même façon la question de la place des luttes et du gouvernement ou du pouvoir qui prendrait de telles mesures. L'interdiction des licenciements, la réduction du temps de travail et le partage de celui-ci entre toutes les mains disponibles sont, au même titre que l’expropriation des propriétaires des moyens de production, des questions politiques, aux implications immédiates. Robert Pelletier
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