Lundi, la commission présidée par l’ancien Garde des Sceaux et Président du Conseil constitutionnel Robert Badinter, par ailleurs auteur de l’opuscule « le travail et la loi » (voir l'Anticapitaliste n° 298), a remis au Premier ministre et à la ministre du Travail son rapport sur l’évolution du code du travail. Cet épisode est le point culminant de la campagne de dénigrement menée ces derniers mois à son encontre.
Après deux mois de travaux, de quoi ont bien pu accoucher ces neuf éminents juristes (sans aucun syndicaliste, ni avocat travailliste dans leur rang) ? Rien de plus que la redéfinition de 61 articles de principes essentiels en droit du travail, divisés en huit parties, pour beaucoup issus de la constitution et des engagements supranationaux. Ces dispositions, auxquelles on ne pourrait déroger, ont sans doute le mérite de la concision mais leur contenu, censé être à droit constant, laisse perplexe. Par exemple, que signifie une rémunération digne (article 30) ? La durée du travail reste fixée par la loi mais un accord pourra déterminer une durée différente (article 33), le contrat de travail sera désormais assujetti à l’accord collectif (article 57), etc.
Pourtant, à situation complexe, réponse complexe : le risque est d’une part que pour les salariéEs des petites entreprises et les plus précaires, seuls ces droits soient consacrés, et d’autre part que la mise en place d’une législation du travail à la carte, dont le pivot serait la négociation d’entreprise assujettie au rapport de forces qui y règne, avec le moins-disant social pour horizon commun...
Tout cela constituera les fondations du futur code du travail, qui devrait être intégralement révisé d’ici deux ans par une nouvelle commission, un des points forts - avec l’instauration du CPA - de la loi dite travail qui sera présentée au conseil des ministres en mars prochain. Outre la réécriture dès cette année des dispositions relatives au temps de travail, le retour du plafonnement des indemnités en cas de rupture du contrat de travail annoncé par Hollande le 18 janvier dernier, est au menu. Au motif que « l’information sur les conséquences de cette décision doit être connue à l’avance » plutôt que de favoriser la réparation intégrale du préjudice subi, c’est ainsi un message d’impunité qui est adressé aux patrons. Car si le véritable objectif était de lutter contre le chômage, c’est la réintégration de droit pour tout salarié dont le licenciement a été reconnu abusif qui devrait être inscrite dans la loi.
Macron ou la provocation permanente
Non content de nous déposséder de nos acquis les uns après les autres, le ministre de l’Économie a lui voulu nous arracher les larmes en déclarant sans ciller que « la vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. » Grisé par l’air des montagnes suisses, il récidive en étrennant une nouvelle formule, « travailler plus sans être payer plus », la future réforme devant permettre selon lui de fixer par accord majoritaire la majoration des heures supplémentaires y compris à un niveau égal à zéro. Et Valls d’acquiescer au principe à quelques nuances près.
Le Guen, le secrétaire d’État en charge des relations avec la Parlement, n’est pas en reste : interviewé récemment, il a déclaré qu’il y avait trop de syndicats en France... Comprendre qu’il y a encore des syndicats qui osent dire non, comme la CGT, FO et SUD, majoritaires à la Fnac, qui viennent de faire part de leur opposition à l’accord sur le travail dominical et nocturne mis en place sur leur enseigne. Ce petit monsieur, qui suggérait il y a peu de baisser les allocations des chômeurs, va jusqu’à les menacer en expliquant que, de toute manière, « il y aura des élections ». Un argument qui ne manque pas de sel de la part d’un membre du gouvernement qui les a toutes perdues depuis son accession au pouvoir !
LD