Depuis plusieurs jours, la même musique se fait entendre au sein du gouvernement : le « confinement » instauré pour lutter contre la propagation du CoVid-19 n’empêcherait pas de travailler, du moins pour celles et ceux qui ne peuvent pas télétravailler, c’est-à-dire en réalité les employéEs, les ouvrierEs, artisanEs, petitEs indépendantEs. Les cadres peuvent rester chez eux à s’occuper de leurs enfants et à se « retrouver » avec eux-mêmes. Le discours de Macron prend ainsi tout son sens aujourd’hui : la guerre contre l’épidémie de COVID-19 est avant tout une guerre de classe.
Le CoViD-19, s’il constitue un risque majeur de santé publique, devient également un risque professionnel sur les lieux de travail. Les employeurs, responsables de la sécurité et de la santé des salariéEs, doivent prendre toute mesure pour supprimer le risque à la source, donc en leur évitant d’être exposés. La seule mesure pour supprimer le risque est la fermeture de toutes les entreprises non essentielles aux besoins vitaux de la population : se soigner, se nourrir…
Au lieu de définir des mesures de protection de la santé des salariéEs qui doivent continuer de travailler et de donner des consignes en ce sens aux agentEs de l’inspection du travail, l’administration du ministère du Travail s’est contentée de relayer les consignes sanitaires du gouvernement, fondées sur les seuls « gestes barrières », dont l’efficacité n’est évidemment pas suffisante.
Le gouvernement veut désarmer les inspecteurEs du travail
Les seules instructions adressées aux agentEs de l’inspection du travail sont en décalage complet avec la gravité de la situation. Ainsi, la première, en date du 13 mars, consiste à leur rappeler qu’ils et elles ne peuvent se prononcer sur l’existence d’un danger grave et imminent, rappelant que cette prérogative appartient aux seuls juges, alors même que le ministère prend position sur ce sujet dans ses « questions-réponses adressées aux employeurs et aux salariéEs ».
Les agentEs sont même priés de demander l’autorisation à la ministre avant d’écrire quoi que ce soit en cas d’alerte… Ainsi, pour le ministère du Travail, le risque d’exposition au CoVid-19 ne serait pas un motif suffisant pour justifier un droit de retrait ou un danger grave et imminent.
Le 17 mars, alors que la veille, Macron avait déclaré une situation d’urgence sanitaire et la nécessité de rester chez soi, la seule préoccupation du ministère a été de donner des instructions pour maintenir coûte que coûte l’instruction des demandes de licenciement des représentantEs du personnel, y compris en faisant entorse au principe du contradictoire et donc des droits de la défense. Et lorsqu’enfin le ministère du Travail définit des mesures d’organisation de ses services, il s’agit essentiellement de dire que les agentEs doivent « diffuser les informations sanitaires et gouvernementales ». Faute d’avoir défini des mesures de protection des agentEs dans le cadre de leurs interventions, les seules interventions sur site sont limitées aux plus graves, notamment les accidents du travail.
Travaille et tais-toi
Alors que la ministre Pénicaud se répand dans la presse pour fustiger les entreprises « inciviques » qui prennent la décision de fermer face au risque sanitaire majeur, le ministère du Travail relaie les consignes officieuses du gouvernement à ses agentEs : pas de chômage partiel pour les salariéEs d’entreprises dont l’activité n’est pas interdite et qui ne subiraient pas de baisse d’activité. Les salariéEs du BTP, les caissières des supermarchés l’ont bien compris : leurs vies valent moins que les profits. Or il est évident que les mesures de distanciation sont impossibles à respecter sur les lieux de travail. Quant aux masques FFP2, ils sont désormais en pénurie.
Malgré tout, les collègues de l’inspection tentent de s’organiser, font circuler entre eux les courriers qu’ils et elles adressent aux employeurs, et prennent des initiatives pour protéger les salariéEs. Des initiatives immédiatement réprimées : ainsi la CGT a été menacée d’un dépôt de plainte après avoir diffusé un modèle de lettre appuyant les salariéEs exerçant leur droit de retrait, et un collègue s’est fait rappeler à l’ordre pour avoir osé demander l’arrêt d’une entreprise continuant à rassembler plus de 100 salariéEs sur site… Au ministère du Travail, l’effort de guerre c’est surtout le régime de caserne !
Le maintien de l’activité économique « coûte que coûte » aura des conséquences criminelles. L’Italie, qui n’avait pas fermé ses industries, en fait aujourd’hui l’amer constat en enterrant ses mortEs : à défaut d’une politique de dépistage massif et d’isolement des malades, seul un confinement total est de nature à enrayer l’épidémie. Mais pour le gouvernement, un seul mot d’ordre compte : maintenir les profits qui peuvent être encore maintenus et donner un signe aux capitalistes : le système ne s’effondrera pas. Notre santé vaut mieux que leurs profits !