Publié le Lundi 26 novembre 2018 à 11h51.

Ford Blanquefort : c’est chaud, mais on s’accroche toujours

La fin du PSE (18 décembre) approche dangereusement, la pression et les tensions montent d’un cran. La reprise de l’usine par Punch reste une perspective même si, de l’avis de touTEs, notamment des plus acharnés défenseurs de l’usine, elle reste peu probable.

On le sait : Ford ne veut pas de cette reprise, elle ne veut plus avoir à faire avec une usine qu’elle essaie de liquider depuis 10 ans. Sa seule façon d’avoir (enfin) la paix, c’est de s’assurer qu’elle ferme. Mais notre résistance a permis une chose : faire intervenir le gouvernement, qui a mis dans les pattes de Ford un repreneur.

Du coup, puisqu’il y a un candidat, ça oblige tout le monde à discuter de cette reprise éventuelle. Nous sommes dans l’incapacité de juger de la crédibilité du repreneur et de son projet. Le gouvernement dit que c’est solide (ça ne prouve rien) et nos experts économiques affirment que c’est sérieux (ce que nous admettons). Mais le plus important ne semble pas se trouver là.

Sacrifices

Car le problème a des données multiples. Tout se passe par « négociations » éclatées, dans l’opacité. L’État veut obtenir l’accord de Ford, qui laisserait une production de transition, une somme d’argent en guise de « solde de tout compte », mais à la condition de partir tranquillement, immédiatement sans avoir aucun compte à rendre demain. Cela pourrait satisfaire le gouvernement, qui a pour objectif de sauver la face plus que l’usine.

Mais comme Ford négocie son départ à ses propres conditions, l’État doit faire accepter la chose, présenter la situation comme la moins mauvaise, avec quelques sacrifices « inévitables » pour nous les salariéEs. C’est quand même bizarre : à chaque fois, tous ces gens tombent d’accord pour nous faire payer la note.

Le gouvernement et le possible repreneur essaient toutefois de pousser leur avantage en mettant la pression sur les syndicats pour faire accepter un « petit » recul, à savoir le gel des salaires et la suppression des 13 RTT. Mais quel est le rapport entre un solide plan de reprise, comme ils le présentent, et le besoin de s’attaquer à nos rémunérations ? En quoi nos salaires modestes et nos RTT empêcheraient la continuation de l’activité ? N’avons-nous pas été capables de produire correctement depuis des années avec ces mêmes salaires et RTT ?

Pris en tenailles ?

L’État, Punch, Ford, tout en se disputant, arrivent à s’entendre sur l’idée que leur « deal » repose sur des reculs sociaux ; à savoir nos salaires mais surtout la suppression de centaines d’emplois directs et d’environ 2000 emplois induits dans la région. Il s’agirait donc d’un « petit » effort !

Ces gens-là pensent qu’avec la perspective des licenciements et, derrière, de la galère, nous serions disposés à accepter des reculs. Et c’est vrai que cette pression, ce chantage fonctionne dans la tête des collègues, et même chez certains syndicats. Il vaudrait mieux une légère baisse de nos salaires que le chômage ou des emplois au Smic demain…

Il y a évidemment le sentiment d’être pris en tenailles, d’être piégés. C’est donc ça, la bataille pour empêcher la fermeture de l’usine ? Se retrouver avec un repreneur sans scrupule, un État impuissant devant Ford mais assez fort pour nous demander de payer ? Le tout dans une ambiance compliquée du fait de l’absence de combativité des collègues.

Rendre les coups

Les dirigeants de Ford font en outre leur sale boulot, dénigrant le repreneur, vantant leur plan de fermeture de l’usine (« C’est plus sûr »), créant la méfiance envers les syndicats qui seraient prêts à signer un accord antisocial. Ils sèment volontairement la confusion, la division et un climat malsain.

Mais encore une fois, malgré tout, au travers des AG, des très nombreuses discussions avec les collègues aux visions parfois très différentes, des comptes rendus, des tracts très réguliers, des communications aux médias, nous réussissons à faire entendre l’intérêt collectif et finalement on réussit à ne pas trop subir. La bataille est rude, mais on tient, on s’accroche. On maintient le cap de la lutte pour sauver l’usine et les centaines d’emplois concernés, pour une reprise mais sans que ce soit nous qui payions la note. C’est aussi la bataille offensive contre les manigances de Ford, de Punch et du gouvernement. C’est comme ça que l’on peut tenir, en rendant les coups, en dénonçant, en condamnant les politiques de tous ces gens-là.

Philippe Poutou