Ford dit « go further » ? Nous aussi !
Ce que nous voudrions, ce qu’il faut espérer, c’est que la bataille que nous avons menée contre la fermeture de l’usine ne se résume pas à la défaite. Ce serait quand même dommage de conclure de notre lutte qu’il est décidément impossible d’empêcher des licenciements et qu’au total, cette fermeture ne fasse que renforcer un sentiment de fatalisme alors que durant tous ces derniers mois nous n’avons cessé de combattre la résignation.
Une fermeture inadmissible et injustifiable
Maintenant que nous avons la certitude d’être licenciés, que le site va être liquidé sans qu’on ait pu sauver ne serait-ce qu’un bout, ne serait-ce que quelques dizaines d’emplois, que pouvons-nous faire ? Une chose est certaine, nous n’avons pas envie de dire que c’est fini.
Notre slogan « même pas mort », brandi depuis l’annonce de Ford en février 2018, avec une ironique fierté, un brin provoquant, a certes pris un coup de vieux ce 17 septembre, jour du jugement de la cour d’appel (ou plus exactement de non-jugement). Mais bizarrement, nous pensons qu’il reste d’actualité.
La défaite ne change rien au fait que cette fermeture reste inadmissible et injustifiable. Nous ne sommes pas que tristes et inquiets des suites. Nous sommes surtout toujours en colère. Et quand on voit le faible traitement médiatique, l’absence de réaction des pouvoirs publics et des élus locaux, comme si tout cela n’était pas si grave que ça, comme si cela ne concernait pas des centaines de familles.
Il nous reste de l’énergie pour, au minimum, encore dénoncer. Il n’y a aucune fatalité dans cette catastrophe sociale et humaine, et il y a par contre des gens responsables. Mais il n’est pas simple de se faire entendre aujourd’hui. Car pour tout ces gens au pouvoir et aux affaires, l’histoire est pliée et il est temps de passer à l’après-fermeture, aux reclassements des licenciéEs et à la revitalisation du bassin d’emplois.
Absence de volonté politique
Il faut y passer d’autant plus vite qu’il semble important de glisser sur les raisons de l’échec, de faire oublier les manquements, l’absences d’initiatives. En effet, aucune analyse, aucune réflexion. Comment est-on passé des cris et postures d’indignation des Le Maire, Macron, Juppé, Rousset contre la « trahison » de Ford, contre une fermeture jugée « illégitime » et des licenciements « boursiers » à un silence complet, à une désertion du dossier, à une véritable capitulation sans réel combat de la part de tous ces gens de pouvoir ?
La fermeture de l’usine n’est pas seulement le résultat de l’égoïsme de Ford, des logiques de course auxprofits. C’est aussi à cause des pouvoirs publics incapables de se confronter à ce « capitalisme fou » ainsi qualifié par Le Maire ou Macron, d’agir avec les moyens qu’ils avaient.
Car l’impuissance qu’ils revendiquent c’est une impuissance qu’ils se fabriquent, par confort, par hypocrisie. Comment peuvent-ils nous faire croire qu’il n’y a pas de moyens d’agir contre une multinationale ? Les lois même telles qu’elles existent donnent des outils pour agir, s’opposer et contraindre. Le problème n’est pas la loi mais la volonté politique.
Des comptes à rendre
Il n’était pas compliqué de vérifier et reconnaitre l’absence de motif économique valable justifiant les licenciements, pas compliqué de réclamer l’argent public indument perçu par Ford, de menacer et attaquer Ford en justice, d’autant que nous avions fait condamner la multinationale en juillet pour non-respect des engagements. Enfin, devant tant de mensonge de la part de Ford, il n’aurait pas été si difficile de réquisitionner le site et les machines, de prendre le contrôle d’un outil de travail qui était de fait en partie public tant Ford a encaissé de subventions.
L’État, les pouvoirs publics et même les collectivités territoriales ont des comptes à rendre à la population. Ils devraient s’expliquer de leur refus de mener le bras de fer avec Ford et sur cet accord qu’ils sont en train, finalement, de signer avec la multinationale, comprenant une clause les engageant à ne pas saisir les tribunaux contre Ford par la suite.
Nous allons donc continuer à contester, à tenter de bousculer les choses. On n’abandonne pas cet idée que tout n’est pas complètement mort.
Philippe Poutou