Vu de l’extérieur comme de l’intérieur, c’est le calme plat. Nous n’avons pas l’impression que la fermeture de l’usine a été annoncée pour fin 2019 et que la procédure de licenciements (« plan de sauvegarde de l’emploi » – PSE) sera lancée dès le 26 juin.
Ford va ainsi présenter les « raisons » économiques de la fermeture et ses propositions concernant les conditions de départ (préretraites, licenciements « volontaires » puis contraints). Un calendrier est déjà en place pour les 4 mois qui viennent, c’est-à-dire que les syndicats vont passer un temps énorme dans des réunions (CE et CHSCT), à se faire embarquer sur le terrain de prétendues « négociations » de ce qu’on appelle les primes de licenciement. Et Ford veut aller vite, imposer son rythme, nous précipiter ainsi dans l’acceptation définitive de la perte prochaine de nos emplois.
Continuer la lutte
C’est vrai que du coup dans l’usine, ça discute « prime », ça calcule « combien », comme si à partir de maintenant nous ne devrions plus avoir que cette préoccupation. Nous sommes embarqués dans une sorte de spirale infernale. Seulement voilà, malgré une situation qui semble compromise, l’équipe militante CGT refuse d’abandonner le combat.
Nous cherchons les moyens de perturber la stratégie patronale, de faire que ça coince un peu et même beaucoup. En continuant la bataille pour la défense des emplois, nous savons que nous poserons problème à Ford qui veut faire plier tout le monde, qui veut se débarrasser de toute opposition.
Nous n’abandonnons pas parce que cette fermeture est un scandale, les licenciements sont injustifiables et parce que cela représente une catastrophe sociale pour la région avec la suppression de 3 000 emplois induits. Nous n’abandonnons pas aussi parce que la roue peut tourner, parce qu’à un moment donné, la colère des collègues peut vraiment éclater.
Aujourd’hui, c’est la résignation qui domine, c’est l’illusion qu’on peut limiter la casse avec des « bonnes » primes de licenciement. Mais pour combien de temps ? Ça peut changer et c’est ce à quoi nous travaillons. Un noyau de militantEs, de salariéEs, résiste et s’organise ; il peut être minoritaire un moment mais peut convaincre, s’entourer et changer l’ambiance.
Calendrier d’actions
C’est en tout cas notre objectif dans la période qui vient. Nous organisons d’ailleurs plusieurs actions qui visent Ford mais aussi les pouvoirs publics qui ont capitulé lamentablement. Nous allons à Cologne en Allemagne, le 20 juin, devant le siège de Ford Europe, nous y allons à 35, pour déployer une banderole refusant la fermeture de l’usine. Le 25 juin, ce sera une projection du film En Guerre avec la présence du réalisateur Stéphane Brizé et de l’écrivain Édouard Louis pour discuter autour de la violence des patrons et du capitalisme. Le 30 juin, nous organisons une manifestation unitaire à Bordeaux contre les licenciements et les fermetures d’usines, avec les syndicats, associations, partis politiques de gauche.
D’autres actions auront lieu dans les prochaines semaines, car nous ne laisserons pas les réunions du PSE se dérouler sans appels à débrayer, sans protester ou dénoncer, en espérant évidemment convaincre nos collègues que nous avons tout à gagner à nous mettre en colère, à mener la bataille pour notre avenir.
Et si, malgré la situation difficile, nous réussissons à tenir, c’est parce qu’en dehors de l’usine, nous avons le soutien de camarades cheminotEs, postierEs, de syndicalistes, de collectifs. La solidarité, la coordination et les soutiens divers : tout cela est d’une importance fondamentale pour la suite.
Philippe Poutou