Depuis 2006, les salariéEs de Goodyear d’Amiens se battent contre la fermeture de l’usine. Le prétexte à la fermeture était le refus du personnel en 2007 d’une organisation du travail en 4×8, assurant une meilleure productivité mais détruisant la santé...
Multipliant les mobilisations, les rassemblements et les batailles juridiques, ils ont, pendant toutes ces années, tenu en échec la volonté d’un grand groupe de liquider un site dans le cadre d’une réorganisation dans laquelle le devenir des salariéEs était bien la dernière de ses préoccupations.
Une lutte acharnée
Déjà en 2013, Valls condamnait les violences lors d’un rassemblement à Amiens... pour quelques œufs, bombes à peinture et pneus brûlés. Après, ce fut la confrontation avec Taylor, patron de combat de Titan, l’éventuel repreneur de Goodyear, qui avait traité les militants CGT de « timbrés », affirmant qu’à Amiens, les « soi-disant ouvriers » ont « une heure pour leur pause et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures »...
Pendant toutes ces années, les Goodyear vont participer aux initiatives tendant à coordonner les luttes contre les licenciements, notamment aux côtés des salariéEs en lutte de Conti, PSA, Virgin, Arcelor, Sanofi, les Licenc’ielles, etc. Des tentatives qui n’aboutiront pas vraiment, faute de tradition de travail commun, et qui se heurteront à l’indifférence des confédérations, notamment celle de la CGT, bien que la plupart de ces luttes étaient menées par des équipes CGT.
En janvier 2013, c’est l’annonce de la fermeture totale du site d’Amiens. Les salariéEs refusent de s’inscrire dans le PSE, alors que Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, appelle les syndicalistes à « mettre de l’eau dans leur vin », pendant que la CFDT condamne les méthodes de la CGT. Multipliant manœuvres et projets bidons, la direction ne fait que susciter la colère des salariéEs. C’est dans ces conditions que les 6 et 7 janvier, deux cadres vont être séquestrés pendant une trentaine d’heures et qu’est décidée l’occupation du site.
Faire payer ceux qui luttent
Bien décidé à faire payer aux salariéEs et aux syndicalistes leur combativité, leur acharnement à défendre leurs emplois, la direction porte plainte pour séquestration. Après l’abandon des poursuites par la direction et les deux cadres concernés, c’est le parquet, c’est-à-dire le gouvernement, qui poursuit. Huit d’entre eux sont ainsi condamnés le 12 janvier dernier par le tribunal correctionnel d’Amiens à 24 mois de prison, dont 9 fermes. Une décision immédiatement contestée en appel, objet de l’audience des 19 et 20 octobre à Amiens.
Une telle condamnation, inédite depuis des décennies, a suscité une vague d’indignation et de mobilisation, elle aussi inédite, avec une pétition qui a recueilli 160 000 signatures en quelques jours, ainsi que des milliers de manifestantEs à Paris et dans 80 rassemblements en régions le 4 février dernier.
Depuis, les Goodyear ont déployé une grande énergie pour combattre la répression qui les frappe, en tissant des liens avec d’autres victimes de l’acharnement patronal et gouvernemental. Et, au-delà de la répression, en inscrivant leur combat dans la la mobilisation contre la loi travail et son monde. Malgré les tergiversations de la direction de la CGT, cela a permis la création de dizaines de comités Goodyear et la tenue de plusieurs meetings de soutien combatifs. Un déploiement qui permettra un rassemblement de plusieurs milliers de personnes avec des cars affrétés par les comités Goodyear, de nombreuses UL et un covoiturage d’ampleur ce mercredi 19 octobre.
Pour tous, au-delà des Goodyear, cette attaque vise a décourager toute lutte, toute mobilisation. Après les quatre mois de « pause » au moment de la mobilisation contre la loi travail, la déferlante des plans de licenciements a repris de l’ampleur. Avec les différentes lois antisociales qui tendent à réduire à néant les protections du Code du travail, la répression est censée décourager toute mobilisation contre les licenciements, les suppressions de postes, les fermetures de sites, la dégradation des conditions de travail et les salaires de misère.
C’est bien là l’enjeu du rassemblement d’Amiens : pas seulement un soutien aux 8 de Goodyear, mais aussi commencer à regrouper, à organiser les forces, pour une contre-offensive du monde du travail qui lie la bataille contre la répression à celle contre les politiques patronale et gouvernementale.
Robert Pelletier