En finir avec le CDI, tel est l’objectif du patronat français depuis le projet de « refondation sociale » porté par le baron Seillière, alors président du Medef, au début des années 2000...
L’argument, jamais démontré, selon lequel faciliter la rupture des contrats de travail faciliterait les embauches, revient à la mode. Derrière ce prétexte, le patronat veut surtout s’affranchir des coûts et procédure liés à l’ajustement des effectifs. Macron est bien déterminé à franchir un cap en ce sens par ses ordonnances, d’une part en facilitant encore le recours aux contrats précaires « classiques », d’autre part en en créant un nouveau.
Intérim et CDD à perpétuité !
Le code du travail encadre le recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaires (intérim), en posant comme principe que ces contrats ne peuvent être utilisés pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et doivent être conclus uniquement pour l’un des motifs prévus par la loi. De plus, il encadre la durée de ces contrats et la possibilité de les renouveler, en fonction du motif pour lequel ils ont été conclus. En tous cas, ça, c’est la théorie, mais de nombreuses brèches existent : il est courant que des travailleurEs restent plusieurs années en CDD par le jeu des différents motifs de recours, notamment le remplacement de salariéEs absents.
Ça n’est visiblement pas suffisant pour le patronat qui, après avoir obtenu la possibilité de renouveler deux fois un CDD avec la loi Rebsamen, veut fixer les conditions de recours aux contrats précaires au niveau de chaque entreprise. L’article 3 de l’avant-projet de loi d’habilitation prévoit ainsi « la faculté d’adapter par convention ou accord collectif de branche les dispositions, en matière de travail à durée déterminée et de travail temporaire, relatives aux motifs de recours à ces contrats, à leur durée et à leur succession sur un même poste ou avec le même salarié ». Par le biais de la « négociation », ou d’un référendum organisé par le patron, une entreprise pourrait donc décider que les CDD sont renouvelables 4 ou 5 fois, ont une durée maximale de 36 mois plutôt que de 18, voire même inventer des motifs de recours. Il y a donc fort à parier que les limites qui encadrent encore les contrats précaires voleront en éclats si ces dispositions sont adoptées.
Contrat à durée indéterminé de chantier : faux CDI mais vrai CDD
L’autre coin enfoncé dans le CDI consisterait en la création du « CDI de chantier ». Il s’agit là encore d’une vieille lune que le Medef ressort régulièrement de ses tiroirs. La création d’un « contrat de projet » faisait partie des demandes faites par Gattaz en 2014 en échange de la création d’un million d’emplois. Macron n’a pas poussé le vice jusqu’à reprendre les termes du Medef et s’appuie sur ce qui existe déjà dans le secteur du BTP. Le CDI de chantier n’a de CDI que le nom car la réglementation prévoit que l’employeur peut valablement licencier pour motif personnel le salariéE ayant signé un tel contrat lorsque les travaux sont achevés.
L’avant-projet de loi indique que le gouvernement veut étendre le recours à ce contrat par accord de branche et même ouvrir son utilisation « à titre expérimental » à certains secteurs d’activité – non précisés – et aux PME sans négociation. Une véritable aubaine pour les patrons qui pourront imposer aux salariéEs des contrats à durée déterminée sur de très longues durées, tout en s’affranchissant des contraintes du CDD « classique » (prime de précarité, rupture anticipée plus difficile, etc.).
Le CDI est une des cibles premières du patronat... mais aussi la réforme sur laquelle plusieurs gouvernements se sont cassé les dents, car les jeunes comme les travailleurEs comprennent facilement les enjeux de sa défense. Après Balladur et Chirac-Villepin, faisons en sorte que Macron ne déroge pas à la règle !
Comité inspection du travail Île-de-France