Dans les Hauts-de-Seine, un mouvement de grève à la Poste dure depuis plusieurs semaines. Nous avons rencontré l’un des grévistes.
Pour certainEs, c’est bientôt deux mois de grève. Quelles étaient les revendications de départ ?
La grève est partie de Rueil-Malmaison le 29 janvier avec une demande « modérée » : la prolongation du contrat d’insertion d’une collègue que la direction voulait licencier sous prétexte qu’elle n’avait pas de permis de conduire. L’attitude inflexible de la direction a entraîné la prolongation de la grève et trois autres collègues virés dans les mêmes conditions ont rejoint le mouvement. La première semaine, la revendication est devenue : embauche des précaires. On s’est rendu compte que les contrats aidés comme les contrats d’insertion CIE) étaient subventionnés par le conseil général à la hauteur de 100 % du salaire brut et 45 % du net. La Poste économise des centaines de milliers d’euros grâce à l’argent public. Les grévistes dénoncent ce véritable détournement de fonds par La Poste qui a supprimé 100 000 emplois en un peu plus de 10 ans.
Comment la lutte s’est-elle étendue ?
La direction ne cédant pas, les Rueillois ont cherché à étendre leur mobilisation. La Garenne-Colombes, puis Gennevilliers et Courbevoie ont rejoint la grève, et plus minoritairement ceux d’Asnières, Fontenay, Colombes, Neuilly. Les revendications se sont élargies : refus des réorganisations, c’est-à-dire des suppressions d’emplois, des tâches supplémentaires non payées (relevage des compteurs EDF, courses pour certains usagers, etc.) et augmentation des salaires (prime annuelle de 500 euros). La Poste cherche à supprimer 50 000 emplois d’ici 2018 avec des restructurations tous les 2 ans.Aujourd’hui, la grève est toujours largement majoritaire à Rueil (75 %), et La Garenne-Colombes (90 %), et sur les autres bureaux, ce sont de plus ou moins fortes minorités. Une bonne centaine de facteurs sont en grève reconductible, même si tout le département n’est pas touché.
Les postiers du 92 ont déjà mené plusieurs conflits. Qu’est-ce qui fait la particularité de ce mouvement ?
Le point commun, c’est le regroupement des forces des postiers des différents bureaux. Les bureaux de banlieue sont de petites concentrations : entre 20 et 80 personnes sauf exception. Un principe simple mais fondamental : en additionnant les forces, on a plus de chance de gagner sur ses propres revendications. La particularité c’est la participation de collègues ayant perdu leur emploi, des postiers pour nous injustement licenciés.À différentes étapes, le mouvement a impliqué différents métiers, ce qui est très rare à La Poste. Les guichetiers de Rueil-Jaurès, en grève deux jours début février et en manifestant avec les facteurs, ont obtenu le report de plus d’un an et demi de leur réorganisation. La plate-forme Colis de Gennevilliers a fait grève reconductible sur quelques jours au côté des facteurs. Les facteurs de Carrières-sur-Seine et Montesson (78), en grève pendant deux semaines, ont participé à nos AG et actions. Notre grève qui tend à franchir les barrières traditionnelles entre les centres, entre les métiers, les départements, pose un problème à la direction.
Comment est structurée la lutte ?
Les AG de grévistes quotidiennes décident de la reconduction et de la stratégie de la grève. Chaque après-midi, un comité de grève d’une quinzaine de grévistes de chacun des bureaux organise l’application des décisions de l’AG et prépare la journée du lendemain. Cette organisation est à la fois démocratique, chacun peut peser sur les décisions et participer à leur mise en œuvre, et plus efficace car elle augmente les forces disponibles pour construire la grève. Une des faiblesses est l’absence de comité de soutien à la grève. Nous espérons qu’il se formera cette semaine.
L’attitude de la direction ?
En refusant de négocier sérieusement, elle prolonge le conflit, joue le pourrissement. Rien depuis le début sur les suppressions d’emplois, les tâches supplémentaires ou les salaires. Les grévistes ont proposé des compromis, comme le report de 2 ans des réorganisations. Mais pas de réponse de la direction… si ce n’est une procédure de licenciement à l’encontre de Gaël Quirante et Brahim Ibrahimi, représentants départementaux de SUD Activités postales 92 !Quelques avancées cependant : un des quatre contrats précaires vient d’être embauché en CDI, et un collègue de la PFC, dont la direction avait voté le licenciement, n’a finalement écopé « que » d’une mise à pied.
Quelles sont les perspectives immédiates ?
Des conflits isolés ont eu lieu cet derniers temps à La Poste ou sont encore en cours (à Antibes, à la Réunion, dans la région de Bordeaux…). Nous allons nous adresser aux postiers qui veulent en finir avec les suppressions d’emplois et les salaires de misère : pourquoi ne pas essayer de se regrouper et de mener des actions communes ? Et si l’occasion se présente, nous essaierons de tisser des liens avec les autres secteurs en lutte ou disponibles à la lutte : les enseignants du 92 et du 93, les intermittents, les entreprises touchées par des plans de licenciements comme La Redoute.
Propos recueillis par Robert Pelletier